Etrange tailleur que ce modèle en toile de laine alpaga de Buche, car ses ganses de crin noir ont l’air de griffes qui prennent à la fois possession de la poitrine et des hanches. Il est signé Carven pour la collection printemps-été 1951. C’est l’une des pièces les plus étonnantes, visible actuellement au Musée Galliera, qui nous restitue dans un parcours sans faute, la mode de l’après-guerre jusqu’en 1960.
Madame Carven avait ceci de particulier sur ses confrères qu’elle avait choisi de se distinguer en favorisant les tailles menues comme la sienne et non celles des grandes bringues élancées. Sa production était appréciée des jeunes filles, d’autant qu’elle privilégiait par ailleurs, des tissus moins onéreux que le satin comme le coton et le lin. Plus tard elle se joindra à différents couturiers pour éditer chaque saison des vêtements abordables diffusés dans des enseignes de province et qui préfigureront le prêt à porter.
Cette exposition est une vraie réussite, exprimée par tous ces talents et signatures réunis. Les modèles qui suivent la deuxième guerre mondiale peuvent sembler modestes, comme le modèle « Bonbon » signé Dior, mais la classe est déjà là et il suffit par imagination d’y glisser un corps de femme, que l’on n’oubliera pas de munir d’un sac à main et éventuellement d’un chapeau, pour donner vie à ce modèle et surtout à une marque dont le nom est désormais connu sur les cinq continents.
Balenciaga, Chanel, Jacques Fath, Givenchy, Cardin, Grès, Balmain, Dessès, Heim, Lanvin, Hermès, le Palais Galliera nous éblouit sans peine malgré l’inertie des mannequins et des couleurs parfois un peu passées. Du tailleur qui permettait d’aller à un rendez-vous au Flore on passe aux tenues de soirées lesquelles nous donnent furieusement envie d’aller de bals en galas et de galas en cocktails.
Plus discrets dans le parcours, les sous-vêtements d’alors avaient leur utilité. Ils étaient bien vilains exception faite, mais c’est anecdotique, d’une fascinante paire de jarretelles « Pincebas ». En effet les guêpières, gaines, balconnet, balconnet-culotte et autres dispositifs, étaient là pour accuser la minceur, effacer les hanches de remorqueur, comprimer le dos, séparer les seins, bref une panoplie qui émargeait davantage au langage orthopédique qu’au propos séducteur. On sera moins dur avec le jupon en linon, plumetis, coton, dentelle, parfois rehaussé de rubans. Heureusement que dans ce domaine, les années ont fait le ménage. De la simplicité Dim à la culotte Dior en passant par Tam-Tam, les dessous, depuis plusieurs décades, sont sortis de l’ombre.
Dans les années cinquante lorsque l’on n’achetait pas, l’on se procurait le magazine Modes & Travaux qui proposait des « patrons » à exécuter selon des plans qui de loin, et du moins pour un garçon, évoquent davantage l’épure secrète d’une arme de guerre qu’un tailleur de dame. L’exposition nous en dévoile quelques uns qui doivent laisser plus d’une femme actuelle songeuse.
Robe du soir de Jean Dessès, automne-hiver 1956-1957, mousseline de soie de Lamarre et velours de soie, ainsi parée et décrite comme un mets fin, il n’y avait plus qu’à déposer celle qui la portait sur un canapé avec tout le tact requis.