Fi des commissaires d’exposition, à la maison rouge, c’est un logiciel qui s’est chargé de l’accrochage. Pour célébrer les dix années de la fondation, dont il est président fondateur, Antoine de Galbert y expose actuellement une partie de sa collection personnelle, composée d’œuvres d’art moderne et contemporain.
«Délaissant l’idée déjà explorée par certains commissaires d’expositions, d’un accrochage par ordre alphabétique, j’ai choisi de présenter l’essentiel des œuvres de ma collection, s’accrochant au mur, à l’aide d’un logiciel renseigné seulement par leurs formats (encadrées) et leurs numéros d’inventaires» dit-il.
Ce parti pris singulier est réussi. Il semble s’accorder à l’éclectisme de la collection d’Antoine de Galbert, collectionneur mû par une curiosité exigeante et une approche convulsive. Et, le résultat est saisissant ! Une gigantesque frise de 3 mètres de haut et 278 mètres de long s’étire sur toutes les cimaises de la maison rouge pour étourdir nos yeux avec 1 200 œuvres de 500 artistes.
Peintures, photos, affiches, dessins…, objets conceptuels, les œuvres se serrent les coudes et les artistes se côtoient selon le bon vouloir du logiciel d’accrochage. Pêle-mêle, on découvre l’impressionnante maquette de Bombay d’Hema Upadhay (née en 1972, en Inde) faite à l’aide de bidons de récupération, la série expressionniste de 4 photos de visage voilé et défiguré de Tatiana Bohm (née en 1979 à Roubaix), la vache milka de Damien Roubaix, la corde à sauter en fil de fer barbelé d’Eric Pougeau, l’énorme pomme de terre en résine d’Erwin Wurm, et aussi Ben, Hélène Delprat, Nicolas Darrot, Chaissac,…
Seul Claude Rutault, avec ses diptyques, est autorisé à perturber ce jeu de hasard sur l’accrochage. Par exemple, le diptyque constitué de l’association d’une toile d’Eugène Leroy avec une toile de Rutault de mêmes dimensions, peinte de la même couleur que le mur. Le peintre, né en 1941, s’est illustré par une œuvre radicale dont le principe directeur, sa « définition/méthode » consiste à peindre la couleur de la toile de la même couleur que le mur sur lequel on l’accroche.
Petit bémol au dessillement magnifique provoqué par cette prolifération artistique : les cartels sont absents des cimaises. Au-delà des Bellmer, Gilbert et Georges, Jan Fabre, Arnulf Rainer, etc… dont les œuvres sont facilement identifiables, le public aimerait savoir qui sont ces jeunes artistes contemporains.
Pour l’éclairer, deux possibilités. Le visiteur peut télécharger une application sur son smartphone en flashant un code à l’entrée de l’exposition. Encore faut-il avoir un smartphone suffisamment grand ou une vue perçante. Sinon, il peut interroger les bornes à écran tactile disposées dans les salles. Les jours d’affluence s’il faut s’armer d’un peu de patience, on constate que ces bornes sont devenues un lieu de socialisation.
On échange ses impressions avec des inconnus, on fait avec eux des paris sur les auteurs, on s’interroge sur la collection, sur ce qu’elle reflète de notre monde. Et on voit du sens dans cet entremêlement audacieux.
Réflexion sur l’art de collectionner, l’art d’accrocher, sur l’art contemporain tout court, Le mur, ne laisse pas indifférent. A ne pas manquer. Jusqu’au 21 septembre.
La maison rouge, 10 bd de la bastille – 75012 paris. Exposition « Le mur ». Du mercredi au dimanche de 11h à 19h et nocturne le jeudi jusqu’à 21 h – Plein tarif : 9 E, tarif réduit : 6 E.
Nouvelle optique d’accrochage, nouveaux modes de socialisation autour des bornes, on est vraiment dans l’ère du temps! Il faut que j’aille visiter ce « mur » ne serait que pour voir enfin en vrai les oeuvre de mon homonyme…
Hélène Delprat