Jouissances pop et hauts le cœur à Beaubourg

Oeuvre de Martial raysse à Beaubourg. Photo: Les Soirées de ParisPrésenter Martial Raysse comme « le plus grand peintre français vivant » est un argument à double tranchant. Si le talent en effet est lié au seul bénéfice du survivant sa gloire en devient toute relative. Le mieux est d’oublier cet argument contenu dans le document à disposition des visiteurs et de se laisser porter par le démarrage très réussi de la scénographie.

Couleurs pop, néons idéalement ajustés à un objet, des lèvres, artefacts accolés à une silhouette féminine, tout étonne, distraie et souvent enchante dès le début du parcours. Dans les années soixante il puisait son inspiration dans les Prisunic qu’il avait décrétés « nouveaux musées de l’art moderne ». En témoignent justement, à peine franchi le sas de l’exposition, deux genres de sculptures contemporaines à base de contenants en plastique divers. Martial Raysse s’amusait ce qui est souvent le gage de la créativité.

Oeuvre de Martial Raysse à Beaubourg. Photo: Les Soirées de Paris

Oeuvre de Martial Raysse à Beaubourg. Photo: Les Soirées de Paris

Un indéniable esthétisme prévaut dans ses œuvres contenant par ailleurs des codes publicitaires d’époque ou en germination, épousant ou détournant en cela, ce que son génie captait avec un œil très sûr. D’un univers vulgaire il en tirait quelque chose de joli et parfois même élégant. C’était toute sa force, laquelle justifie par ailleurs les prix très élevés que ses réalisations d’il y a quatre à cinq décades, atteignent sous les marteaux des commissaires priseurs.

C’est donc nanti d’une impression des plus favorables que le pas du visiteur se presse pour découvrir la suite. Et là, il faut composer avec quelques chausse-trapes inattendus dans lesquels l’art se meurt comme brutalement asphyxié. Raysse a eu déjà eu l’occasion de déconcerter ses admirateurs et l’on devine un peu pourquoi devant certaines mochetés dont on cherche vainement le sens. Des croûtes de troisième rayon qui seraient parfaites pour décorer quelque hôtel « de la gare » estampillé de justesse une étoile, douchent ici notre enthousiasme et nous laissent incrédules.

Oeuvre de Martial Raysse présentée à Beaubourg. Photo: Les Soirées de Paris

Oeuvre de Martial Raysse présentée à Beaubourg. Photo: Les Soirées de Paris

Raysse a revendiqué la traque des « rapports faux, de la dysharmonie » des « tableaux avec erreurs, mal faits, ratés, affreux », certes, mais quelle en est la finalité artistique ? La laideur délibérée peut-elle constituer une démarche artistique ? Sans doute, sauf à s’y égarer, ce qui est le cas. Certains, y compris vivants, ont fait mieux que lui à partir de la vie ordinaire. De même, certains tableaux sont confondants de désinvolture, de fausse naïveté et de symbolisme à deux yuans. Comme le rappelle Catherine Grenier, commissaire de l’exposition, Raysse est convenu, sur une œuvre particulière, « quelle pourrait avoir été réalisée par son fils alors âgé de quatre ans ».

 

Heureusement ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Dans ses réalisations récentes notamment, dont l’une fait l’emblème de l’exposition, il y a ces fameuses fresques où le mauvais goût admirablement bien traité cette fois, côtoie et exprime le burlesque, le carnavalesque, le songe aussi jusqu’à une certaine forme de surréalisme. Dans le genre, Raysse est magistral, il se donne et nous en offre généreusement.

La rétrospective Martial Raysse vaut indéniablement le détour ne serait-ce que pour sonder les tripes de l’un des « plus grands artistes français vivants ». Elle nous mène d’étonnement positif au rejet stupéfait, de réjouissances en moues de désapprobation, on s’y croirait presque dans la vraie vie.

Jusqu’au 22 septembre

Détail d'une oeuvre de Martial Raysse à Beaubourg. Photo: Les Soirées de Paris

Détail d’une oeuvre de Martial Raysse à Beaubourg. Photo: Les Soirées de Paris

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