C’est une des photos parmi celles qui ouvrent l’exposition. Tout un mur lui a été réservé. Il s’agit d’évidence d’une piscine abandonnée avec ses détritus, ses moisissures, sa végétation parasite. Le thème n’est pas nouveau mais la photo de Françoise Huguier est simplement réussie. Une belle image qui fait rêver. Il n’y manque qu’une chose : une légende.
Mon Dieu que c’est agaçant de ne pas avoir de réponse aux questions les plus simples du type « qui » « où » « quand » d’autant qu’il s’agit là, bien davantage d’un travail journalistique que d’une démarche conceptuelle, purement artistique.
L’esthétisme, le signifiant sont néanmoins là: Françoise Huguier mérite haut la main sa réputation de photographe haut de gamme mais faute de légendes, la visite de cette exposition oblige le visiteur à un travail d’enquête, notamment à partir des textes affichés sur les murs.
Ce manque d’indications est d’autant plus étonnant que dans le dossier de presse remis aux journalistes, elles y figurent. On se voit ainsi confirmer que les fortes photos prises en Sibérie viennent bien de là-bas mais on est content de savoir enfin qu’il s’agit d’un sujet sur la pêche et non pas d’un site de décontamination nucléaire comme on pourrait le croire à première vue.
Mis à part ça, l’exposition intitulée « Pince moi je rêve » consacrée au travail de Françoise Huguier, révèle tout le talent d’une femme qui fait du cadrage un exercice revendiqué d’évacuation de tout ce qui est indésirable.
Sur trois niveaux, la Maison européenne de la photographie nous en donne à connaître sur cette dame qui comme d’autres, doit l’accélération de sa carrière à ses passages dans Libération, du temps où ce quotidien était ce qu’il n’est malheureusement plus beaucoup.
Françoise Huguier est à l’aise dans le noir et blanc comme dans la couleur, dans la photographie de mode comme dans le reportage (vraiment remarquable) chez les familles modestes du Pas-de-Calais.
Sa série sur les appartements communautaires russes révèle une capacité étonnante à s’infiltrer dans l’intimité des gens. Cette photo où l’on voit deux jeunes femmes en sous-vêtements s’échanger feu et cigarettes à Saint-Pétersbourg atteste de son ambition dans le cadrage, les contrastes et la lumière, sans rien renier de la fonction documentaire de l’image. Ses photos témoignent plus généralement et avec constance d’une sensibilité évidente à l’égard des sujets traités. Seul son travail singulier sur des nonnes détonne par son dépouillement et sa distance.
Cette exposition est recommandable d’autant qu’elle est accompagnée par des textes pertinents autant qu’amicaux de Gérard Lefort, un journaliste survivant de Libération haute époque. Sa plume nous aide à saisir ce qu’il y a à voir et même à admirer, sans toutefois remplacer les indispensables légendes qu’il serait encore temps d’installer ou de distribuer aux visiteurs sur une feuille volante.
Jusqu’au 31 août à la MEP, 5/7 rue de Fourcy 75004 Paris.
PS 1: A noter la sortie récente de son livre autobiographique « Au doigt et à l’œil » aux éditions Sabine Wespieser.
PS 2: N’oubliez pas l’excellent travail de Marie-Paule Nègre, photographe reporter présentée au dernier étage de la MEP.