On a vu récemment, dans le cadre des cérémonies de la Libération, un reporter photographe accrédité se faire évincer, gare du Nord, par le service du protocole de la reine d’Angleterre parce qu’il ne portait pas de veste. Ce faisant, ce fameux protocole s’arrogeait un droit inouï, féodal, de dicter sa loi sur un espace public français. L’éviction du photographe revenait en outre à piétiner le droit à l’information, ce dont les médias auraient dû s’émouvoir avec vigueur.
On croyait rêver. Ce même protocole avait exigé pour la visite de la reine d’Angleterre au marché aux fleurs que les photographes portassent une veste alors qu’il s’agissait toujours d’un espace éminemment public. Céder à ce genre de choses dès lors qu’il ne s’agit pas d’un espace privé réglementé relève, sans vilain jeu de mot eu égard à une visite royale, d’une abdication. En l’occurrence ce photographe n’étant pas un sujet de la reine, il ne pouvait -littéralement- en être l’assujetti. Il l’est à l’impôt et c’est bien suffisant.
« L’étiquette » soit ce qu’il convient de faire dans un endroit donné, est polymorphe. Le port d’une cravate, le fait d’enlever ses chaussures, de porter un foulard, toutes ces contraintes relèvent d’un règlement ou d’un usage qu’il convient de respecter que ce soit dans un palais, une école, un square, dès lors que l’on est prévenu. Si l’on considère que la contrainte est abusive, libre à chacun de passer son chemin.
Le mieux étant toujours de se détendre face aux contrariétés supplémentaires qu’exige parfois la vie, citons l’humour dont fit preuve le journaliste et écrivain André Billy, co-fondateur des Soirées de Paris, ami de Guillaume Apollinaire etc…etc.
Selon un document authentique que nous nous sommes procuré, celui-ci avait été invité en 1950 par Vincent Auriol, président de la République, qui recevait un tandem royal. Voici sa réponse à en-tête de l’Académie Goncourt:
« Mon Commandant, ma femme et moi acceptons avec plaisir l’invitation de Monsieur le Président de la République et de Madame Vincent Auriol au déjeuner du 30 novembre au Château de Rambouillet. Le carton porte tenue jaquette. Je n’ai pas de jaquette, je me suis présenté en veston sombre au déjeuner de Versailles en l’honneur de la Reine de Hollande et j’ai constaté que je n’étais pas seul dans ce cas. Si l’étiquette doit être plus stricte pour les souverains du Danemark, je vous serais personnellement très obligé mon Commandant de m’informer et de vouloir bien considérer notre acceptation comme annulée de ce fait même . Je vous prie de recevoir, mon Commandant, mes sentiments les plus distingués. André Billy »
Comme le montre sa lettre, André Billy, peut-être un peu agacé, a pris la peine de souligner en rouge qu’il ne possédait pas de jaquette tout en expliquant qu’il avait le sens des convenances avec un costume sombre fait pour seoir midi et soir.
On ne sait pas ce qu’il advint de cette invitation et rien n’indique que ce sont les souverains du Danemark qui avait imposé un style vestimentaire. Mais enfin, André Billy avait été prévenu et son libre arbitre lui avait permis de faire valoir sa position.
Pour en revenir à la reine d’Angleterre, ses services auraient dû faire connaître leurs exigences, ce qui est un manquement dans une affaire qui n’en manquait pas, puisque l’on a vu ultérieurement son altesse porter elle-même son parapluie au côté de la maire de Paris qui s’abritait elle-même sous une ombrelle tenue par un tiers.
Là où la simple politesse suffit amplement, le protocole comme l’étiquette prêtent souvent à sourire, c’est au moins ça.
Honni soit qui mal y pense !