Aujourd’hui c’est une agence immobilière, avant c’était un magasin d’électroménager et avant encore, à l’époque où Pablo Picasso et Max Jacob se partageaient une chambre dans l’immeuble à côté, c’était une charcuterie. On doit pouvoir spéculer sur le fait qu’affamés, durant l’hiver 1903, ils y achetèrent une grosse saucisse qui explosa à la cuisson, détail que ne manquent pas de rappeler certains biographes. Sur la photo de cette charcuterie (1), on aperçoit sur la gauche une plaque noire indiquant que le numéro 150 du boulevard était un endroit où l’on pouvait louer des chambres. Aujourd’hui elle a été déplacée à gauche de l’entrée de l’hôtel mais elle est toujours là. Ce qui signifierait que c’est bien une chambre d’hôtel que le poète Max Jacob avait proposé à son ami Picasso sans le sou, de partager.
C’est au 137 bd Voltaire, dans un magasin qui s’appelait Paris France, que Max Jacob avait trouvé un travail de manutentionnaire. Max y travaillait le jour laissant à Picasso la possibilité de profiter de la chambre et du lit.
C’est là qu’en pleine période bleue, Picasso a probablement exécuté le portrait de Cécile Acker, peinture qui se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art à New York. Cécile Acker a été l’unique amour féminin de Max Jacob, une femme que Picasso, lui écrit-il d’Espagne, ne trouvait ni belle ni fine. Elle causera quelques tourments au poète semble-t-il.
Et de nos jours il n’y a plus rien que cette plaque noire au bas du Grand hôtel Voltaire, un modeste deux étoiles. Dans le hall se tient un antique radiateur qui remonte peut-être à l’époque des deux artistes dans un quartier où les immeubles de facture récente étaient nombreux. Et quand on explique au patron actuel que Picasso a vécu là il tombe des nues et va jusqu’à interpeller le patron du restaurant bolivien (2) à côté pour lui dire « devine quoi ».
Il y a des endroits comme cela, moins prestigieux que d’autres, où le temps a effacé les traces et où nulle plaque commémorative ne peut aider le passant. En 1903, Picasso n’avait pas encore fait la connaissance de Guillaume Apollinaire, dans un bar de la rue d’Amsterdam. Mais c’est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons un jour.
PHB
(2) Candela Caliente, bon et pas cher.
Excellent, le « devine quoi » du patron