Il flottait alors comme un fort parfum d’interdit autour de la moindre idée de seins nus. Le seul fait d’y penser pouvait donner des couleurs de tomate marbrée. Et il est dommage que nous ayons perdu ces transgressions-là car le vide n’a pas été comblé. Le Crazy Horse entretient la veine depuis 60 ans et nous offre la vague impression de nous enhardir derechef dans l’illicite.
C’est l’occasion qui fait le larron. Quelqu’un qui y officierait par exemple et nous ferait gentiment signe de venir voir. Rien que s’asseoir là-bas, avant même que le spectacle ne commence, nous fait l’effet d’un voyage retour dans la modernité des années Drugstore. Un seau à champagne et nous voilà happy few des années soixante/soixante dix. On a confié les clés du cabriolet Lancia Flavia au voiturier.
Une des astuces du spectacle « Désirs », produit depuis 2009, est de nous laisser voir les filles avant le démarrage par un effet de transparence du rideau. Elles ont l’air de discuter avec la décontraction propre à la pause tandis qu’un compte à rebours s’affiche.
La première partie en donne tout de suite pour son argent. Sur une musique militaire, les voilà qui paradent en petite tenue, coiffée comme des (crazy) horses guards devant Buckimgham Palace. De quoi réveiller un mort tandis que pour un vivant le décalage temporel est tel que les sourcils se plient d’incrédulité à 45 degrés. C’est drôle à en être captivant. Quant à la chorégraphie signée Philippe Découflé, elle tient d’un réglage millimétrique aussi fascinant que les multiples jeux de lumière.
C’est là que l’on réalise que la valeur « seins nus » s’est considérablement dévaluée par effet de saturation, décade après décade. Les fesses de Gloria di Parma, Zula Zazou, Dekka Dance ou Mika Do (du moins sont-ce les noms révélés par le site web) se dévoilent également mais dans ce cas aussi, le tabou s’est dissipé depuis tellement longtemps que la paire ne fait plus argument.
La chorégraphie de « Désirs », divisée en tranches, fait mouche. Sans tout révéler, il y a par exemple une belle et étrange scène d’une femme prise dans une nasse de cordages, fantasme sur lequel nous ne sommes pas obligés de spéculer. On compte aussi un strip-tease en bonne et due forme sur fond de chaos boursier à même de troubler le lendemain les professionnels de la finance qui voient défiler les hausses et les baisses sur leurs écrans.
La partie la plus osée du spectacle est finalement celle où l’on ne voit ni seins ni fesses. Il s’agit d’un jeu de miroirs adroit où n’apparaissent que des bras et des jambes. C’est assez bien fait, artistique, surréaliste, on pense au peintre Magritte et aussi au photographe Guy Bourdin.
Nous sommes bien là dans un cabaret. Le Crazy Horse (nom authentique d’un chef indien) est surtout réputé pour ses filles (elles seraient 500 candidates chaque année) mais le spectacle comporte en son milieu un numéro masculin de duettistes à claquettes bien dans la tradition. Enthousiasmant.
Le tout diffuse une certaine gaieté dans la salle (c’est agréable de s’arrêter de gémir dans la vie) et installe une complicité de bon aloi avec le spectateur qui s’en retourne chez lui en méditant sur ces interdits d’hier qu’à bien réfléchir on aurait peut-être mieux fait d’entretenir. Pour le plaisir.
Crazy Horse 12 avenue Georges V. 75008 Paris.
On s’y croirait !
On dit qu’Alain Bernardin ne recrutait que les candidates dont la distance entre nombril et pubis mesurait moins de X centimètres, la seule distance propre à assurer le galbe du fessier recherché…
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