Bien sûr il est difficile de juger, lorsque l’on est parisien, la crédibilité du contexte kurde dans le film « My sweet pepper land ». Mais à cette réserve près, il n’y a pas d’ingrédient à retirer de ce film qui sait nous réjouir du début jusqu’à la fin.
Tout le monde a parlé de « western » à son propos mais le mot ne s’impose guère, il embarrasse tout au plus, comme un préjugé. On sent qu’il a été glissé comme un « élément de langage » dans un dossier de presse et que le vocable a fait bonne carrière, de critique de presse en critique de presse jusqu’à la bouche du spectateur. Il est devenu convenu, alors qu’il s’applique bien mal à ce film, certes truffé d’armes qui parlent.
Il y a là de la tension diffuse, de l’humour, de la poésie et même une morale qui ne se situe pas forcément où on l’attend.
Qu’il est difficile de pendre un homme lorsque l’on ne possède pas la technique. Le film débute ainsi dans un Kurdistan qui apprend à structurer son administration, sa police et incidemment ses châtiments. C’est à ce moment-là que l’on est présenté à un chef de la police qui va être muté dans un petit village frontalier avec la Turquie. Un paysage entre beau et superbe où il pleut souvent.
Le nouveau commandant inaugure les bureaux de la police et doit immédiatement faire face à un seigneur local qui brandit toutes les deux minutes un code d’honneur lui permettant d’occulter sa qualité de bandit.
Par ailleurs une nouvelle et jolie institutrice débarque en même temps que lui et devra de son côté affronter un univers d’hommes un peu primaires quant à leur façon d’aborder le libre arbitre des femmes. L’institutrice (Golshifteh Farahani) est bien la seule à ne pas être armée. Elle se contente de jouer du hang et de nous transporter avec cette musique particulière (1).
S’ajoute à tout cela une escouade féminine de rebelles en lutte avec la Turquie, lesquelles n’ont pas la partie facile, entre l’armée turque et les malfrats de leur propre pays.
Ce film semble avoir une morale non écrite laquelle laissant entendre qu’il ne faut pas dans la vie se laisser intimider mais au contraire se défendre et pas forcément avec finesse. On peut donc aller le voir la veille d’une réunion importante ça peut aider.
« My sweet pepper land » n’est en aucun cas un « sweet pépère movie ». Son univers âpre est heureusement mâtiné de quelques séquences humoristiques, comme la séance photo officielle du nouveau commandant de police, irrésistible par sa dérision.
C’est au printemps que les salles de cinéma commencent à être encombrées de films médiocres où ne se fourvoient pas tant que ça des acteurs dont la motivation première semble être de payer leurs impôts avec des films généreusement pré-financés.
« My sweet pepper land » n’est pas de ceux-là. C’est une pépite de cinéma.
(1) Ecouter l’actrice jouer du hang.
Réalisateur: Hiner Saleem.
quelques petites réflexions au passage…
s’il est une région ou le mot « western » est à sa place, c’est bien celle-là … Il y a eu de très beaux westerns turcs en pleine vague des « westerns spaghettis »… Dans lesquels le méchant pouvait être joué par Yılmaz Güney, le grand cinéaste kurde… celui de Yol, du Mur… Celui qu’on appelait « le roi laid »… Mais c’est une autre histoire…
Donc, le cinéaste très parisien d’origine kurde, Hiner Saleem a eu la bonne idée… Cela lui permet peut-être de donner enfin de la « crédibilité » à sa « kurdité ». Tant mieux si a marche pour une fois alors que ça ne marchait guère dans ses précédentes tentatives…
Non, l’époque cinématographique n’est pas plus médiocre qu’une autre. Pêle-mêle sont sortis récemment : les « 3 soeurs » de Wang Bing, « Métabolisme » de C.Porumboiu, « Tom à la ferme » de Xavier Dolan, « Nebraska » d’Alexander Payne et de très beaux documentaires comme « Noor » ou « La ligne de partage des eaux »… Cette semaine, on peut voir « Ali a les yeux bleus » et même « Conversation animée avec Noam Chomsky »…etc…