De l’art de l’intimidation au musée Dapper

"Initiés, bassin du Congo". aspectde l'exposition. Photo: LSDPL’initiation consistant à faire entrer un jeune dans le monde des adultes a, dans l’Afrique subsaharienne, ses rituels et ses masques. Le musée Dapper en fait le sujet d’une très intéressante exposition. Le fait que la circoncision et l’excision fassent partie des formations réputées « éprouvantes » dans le bassin du Congo, nous offusquent. Plus généralement, l’initiation dans son principe n’est pas sans nous interroger par exemple, sur les pratiques de bizutages qui sévissent encore dans nos sociétés civilisées.

Car au début n’est-ce pas, au milieu de cette scénographie si bien faite, de tous ces masques dont le mystère est rehaussé par un éclairage approprié, on goûte le plaisir d’avoir quitté l’avenue Victor Hugo pour cet univers assez fascinant.

Chaque masque vous scrute ce n’est rien de le dire. Ils ont été conçus pour impressionner autant qu’intimider et l’on se doute bien que le fait d’en croiser un, alors que l’on prenait gentiment le frais aux abords de sa case, n’avait rien de rassérénant.

Ainsi le Bwadi Bwa Kifwebe qui agissait comme une police secrète, pour mieux « contrôler la population notamment par le biais de la magie ». Le porteur du masque pouvait également se rendre chez un fautif pour lui faire payer une amende et sa tête couverte de la sorte avait pour but de bien démontrer que la maison ne faisait pas crédit. Le jour où nos huissiers où encore les conseillers Pôle Emploi suivront cette voie, les temps seront venus.

"Initiés, bassin du Congo". aspect de l'exposition. Photo: LSDP

« Initiés, bassin du Congo ». Aspect de l’exposition. Photo: LSDP

Du transit vers le monde des adultes à la formation de « cadres » destinés à être devins, thérapeutes ou chefs, l’initiation telle qu’on la découvre au musée Dapper douche les ambitions de grandir, du moins de notre point de vue occidental. Mais de la même façon et c’est là en effet que cette exposition déclenche la réflexion, c’est que dans nos sociétés et depuis fort longtemps, la pratique du bizutage décourage à l’avance les nouveaux.

Contraindre quelqu’un sous peine d’exclusion ou de mise à l’écart à des pratiques au mieux débiles au pire sadiques ne grandit pas vraiment l’initiateur. Derrière les beaux masques africains exposés au musée Dapper se cachent des pratiques qui ne font pas envie, même lorsqu’elles ne sont pas mutilantes.

 

Cette bonne expo démarre, c’est à noter, par un accrochage des œuvres de l’artiste béninois, Romuald Hazoumé. Sa démarche consistant à fabriquer des masques avec du matériel de récupération comme de vieux jerrycans est artistique, mais veut aussi critiquer l’occident et nous interroger sur « le devenir des sociétés du continent africain ».

On peut se limiter à aller au musée Dapper pour le coup d’œil sans forcément prendre un bain métaphysique dans le grand bassin du Congo. Et rejoindre après le grand vivier du quartier de l’Etoile, un des quartiers où se pratique encore le « délit d’initié ». Partout on en conviendra, c’est rarement l’initiateur qui trinque.

« Initiés, Bassin du Congo » Jusqu’au 6 juillet 2014. Musée Dapper. 35 bis rue Paul Valéry, Paris.

 

 

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Une réponse à De l’art de l’intimidation au musée Dapper

  1. Joëlle dit :

    Merci pour l’information et surtout l’incitation à la réflexion, tout cela dans une très belle langue.

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