Ces taches sombres qui contrastent avec le vert environnement sont quatre brebis affectées par la Mairie de Paris à la tonte du pré qui jouxte, boulevard d’Algérie, les archives municipales. Elles sont revenues à leur poste le 27 mars après un hivernage à la ferme de Paris dans le bois de Vincennes. Ce sont des brebis d’Ouessant dont on ne sait si elles confondent le bruit du périphérique tout proche avec le ressac qui fait vacarme sur la côte de la plus occidentale des îles bretonnes avec Sein.
Chez ces biquettes extrêmes dont la race a, nous apprend-on, failli disparaître dans les années soixante dix, la sieste est sacrée après le coup de chauffe. Pas moyen de leur faire comprendre qu’elles pourraient se lever deux secondes afin de faire honneur à l’objectif photographique des Soirées de Paris.
Dans ce petit coin du boulevard extérieur, en amont de l’hôpital Debré et d’une réserve d’eau, ces quatre brebis emblématisent l’éco-gestion de la capitale aux côtés d’une maison pour insectes. Cette initiative concourt, sans rire svp, « à renforcer les corridors écologiques indispensables au déplacement de la biodiversité en milieu urbain et invite à porter un autre regard sur la place de la nature en ville ». Broute toujours serait-on tenté de se dire devant un tel postulat.
Mais saisissons l’occasion fournie par ces brebis de proue pour nous interroger sur un aspect bien déroutant de la gestion des parcs et des jardins de la ville. Depuis quelques années, quand les feuilles mortes sont trop nombreuses, les employés les mettent en tas à partir d’une souffleuse à moteur tellement bruyante qu’ils sont obligés de porter un casque pour ne pas se détruire les tympans.
Or de tout temps le râteau (du latin rastellum c’est dire) pour ce faire était considéré comme suffisant, l’urgence à déblayer des feuilles mortes n’ayant jamais été considérée comme une option sérieuse parmi les fonctionnaires les plus zélés.
On accorde de nos jours un peu vite le label écologique aux jardins parisiens qui utilisent ce souffleur dont le bruit évoque le décollage d’un hélicoptère pour le Vietnam sans compter le gaz à effet de serre dont il est l’émetteur profus.
L’esprit de la brebis d’Ouessant devrait donc inspirer nos édiles en ce qui concerne les feuilles mortes ce serait tellement plus sympathique pour tout le monde.
Par ailleurs : Ces archives municipales organisent de modestes mais souvent fortes intéressantes expositions temporaires. Il est actuellement possible de prendre connaissance de documents anciens liés aux femmes parisiennes, de souche ou d’adoption, notamment cet ordre résultant d’un conseil de guerre, daté de 1917, adressé au directeur la prison Saint-Lazare. Il y est stipulé que Marguerite Gertrude Zelle, dite Mata-Hari, doit être emmenée au champ de tir de Vincennes, le 15 octobre 1917 à 6h15 du matin, pour y être exécutée en raison « d’intelligence avec l’ennemi ».
Il nous faudrait actuellement une note du même acabit condamnant les souffleuses de feuilles mortes au rebut ou à la benne pour faits de pollution aggravés.
Autres prés, autres races… En contrebas de la terrasse de Saint-Germain, ce sont des vaches normandes qui broutent. A la Pointe Saint-Gildas, les moutons noirs et blancs se chargent de la tonte piquante de la lande (oh, pardon Louise !) bretonne. Vive les municipalités qui emploient nos amies les bêtes pour effectuer la double corvée de tonte-ramassage…