Si Robert Mapplethorpe a fait des photos de fleurs à côté de sexes d’hommes, c’était pour démontrer dit-il, qu’il n’y avait pas de différence. Au contraire sans doute des nombreux autres objets phalliques comme l’amanite phalloïde ou le si suggestif bâton de rouge à lèvres. Et des sexes d’hommes, l’exposition qui se tient jusqu’au 13 juillet au Grand Palais, en a tapissé les cimaises. Mais pas seulement car le but de l’événement, est justement de faire sortir l’ancien compagnon de la chanteuse Patti Smith, des caricatures qui paraît-il accablaient son œuvre.
Et effectivement, si l’on excepte dans ce grand palais qui a dû en voir d’autres, une salle interdite aux moins de 18 ans et fermée par un rideau comme à l’entrée des sex-shops, l’œuvre photographique de Mapplethorpe ne se limite pas à la représentation de corps masculins exhibant, comme l’a drôlement dit un jour Woody Allen, « son deuxième organe favori après le cerveau« . Qu’il s’agisse d’un sexe d’homme en gros plan peut choquer encore que Gustave Courbet avait, avec son « origine du monde », déjà ouvert la voie. Disons que chez Mapplethorpe la chose est quand même surreprésentée.
Une sensibilité évidente, touchante, se dégage des 250 œuvres exposées, notamment dans les autoportraits et cela bien avant la mode un peu bébête des « selfies » (autoportraits pris avec un mobile). Même effet pour les portraits de personnages choisis dont ceux de Patti Smith, assez formidables il faut bien le dire. Robert Mapplethorpe démontre sa capacité sans faille à occuper, par la mise en scène singulière et souvent élégante de ses sujets, l’espace géométrique d’un tirage papier.
Comme souvent ce sont les commentaires de l’artiste sur son propre travail qui ternissent un peu le propos scénique ou prêtent à sourire. La comparaison entre un phallus et une fleur n’a rien de génial de même que son choix du médium photographique dans les années 70, justifié parce qu’il s’agissait, avoue-t-il, d’une « époque où tout allait vite ». L’homme des cavernes qui décorait les parois de son gîte rocheux en s’aidant de crin de cheval ou de la technique du crachis devait se dire exactement la même chose.
Cette plongée proposée par le Grand Palais dans la genèse des mouvements artistiques des années 70 via l’une de ses figures de proue, est, malgré quelques réserves, bonne à prendre. On apprécie décidément les beaux cadrages de Mapplethorpe tout comme son soin de la mise en scène. Est-ce que l’artiste méritait autant de place au Grand Palais -dont une alcôve SM- est une question qui ne nous effleure qu’à peine car l’agencement général est de bonne facture. Devant ses Polaroïd on aura néanmoins une pensée pour ceux de Guy Bourdin et leur atmosphère particulière qui fait la différence.
A la fin du parcours, l’inévitable boutique attend le visiteur. Les affaires y reprennent leurs droits débridés avec l’œuvre du photographe déclinée en tasses et jusqu’à des sacs en bandoulière. Parmi les livres en revanche, on feuillettera avec plaisir celui uniquement consacré à Patti Smith du temps où ils vivaient ensemble et, celui où sa compagne devient elle-même l’auteur de photos assez plaisantes.
Robert Mapplethorpe est mort du Sida le 9 mars 1989 à Boston. Patti Smith lui avait alors promis d’écrire un livre posthume sur leur vie commune. Un ouvrage assez exemplaire de sincérité et de modestie dont nous avions eu l’occasion de parler dans Les Soirées de Paris.
Jusqu’au 13 juillet (12 euros)