220.000.924.800 secondes à se partager sept mètres carrés à deux, soit des milliers d’heures « d’enculage de mouches et de culs de mecs », Gabriel à sa sortie de prison, rêvait d’une « jolie chatte » à lui. Roseline Delacour, dans son dernier roman, raconte qu’en outre (et surtout), le protagoniste de « l’arrache » (sans cap), occupait son temps de captivité à prendre des photos.
Vidéaste, photographe (1), peintre, Roseline Delacour signe là son troisième roman avec un style qui n’emprunte pas aux autres, un style parfois cru et coupant. Les paragraphes y sont autant de télex tombés du téléscripteur. En narrant la sortie de prison de son personnage, l’auteur ne s’épand pas, elle livre la juste dose avec cette sobriété insistante que l’on retrouve dans ses œuvres graphiques et vidéographiques.
« Inspirer tranquille, sentir l’air se faire et se défaire dans mes poumons, expulser au passage quelques toxines est un luxe qu’à chaque instant je dois mériter. Plonger dans la transparence me permet d’éviter les coups, qui, aléatoires, pleuvent. » C’est le jour de la sortie, l’oiseau est enfin libre, comme l’illustre celui de la couverture de ce roman qui pourrait être un récit.
Dans l’enfermement, « la grâce était venue le sauver », « cette grâce qui fait de l’homme un poème, cette grâce le révélant à la vie » cette grâce que Gabriel va retrouver « dans les yeux de Rosalie », de même qu’il récupère le « sens des béatitudes » après avoir interpellé dans la rue un curé de hasard.
Le mince ouvrage de Roseline Delacour retrace cette résurrection particulière pour un homme (qui pourrait être une femme) consistant à quitter une enceinte étroite, la prison, pour un parc aussi réglementé mais beaucoup plus grand, celui du monde « libre ».
« l’arrache ». Editions Delphine Montalant. 87 pages. 12 euros.
(1) Un aperçu de son travail de photographe