C’est peu de dire qu’il a révolutionné la guitare flamenco. Paco de Lucia, qui vient de mourir d’une crise cardiaque à l’âge de 66 ans, était depuis longtemps considéré comme un authentique génie de l’art flamenco, qu’il avait contribué à faire connaître au monde entier. Issu d’une famille d’Algésiras (sud de l’Andalousie) où le chant et la guitare faisaient partie du quotidien, il est très rapidement repéré dans le petit monde flamenco. Il n’a que douze ans lorsqu’il se produit avec son frère le chanteur Pepe de Lucia.
Les deux jeunes artistes enregistrent un premier disque : Los Chiquitos de Algeciras. Déjà le jeu du guitariste étonne autant par une incroyable virtuosité que par une inventivité hors du commun. La sortie, en 1967 -il n’avait pas 20 ans- de son premier disque en solo, La Fabulosa guitarra de Paco de Lucia, a un énorme retentissement. D’un seul coup, sans modifier les règles immuables de l’art flamenco, sans en changer le code, le musicien bouleverse totalement le langage de la guitare. De lui, le compositeur Maurice Ohana dira: « l’art consiste à tout mettre en pièces sans rien déranger ».
Commence alors une carrière qui lui fera faire plusieurs fois le tour du monde, D’abord au sein des grandes compagnies de danse, notamment celle d’Antonio Gadès, puis comme accompagnateur de très grands chanteurs dont le célèbre Camaron de la Isla, enfin comme soliste, suscitant l’enthousiasme des publics les plus divers. Les Jazzmen s’intéressent à lui; il finira par se joindre à eux. L’enregistrement de « Friday Night in San Francisco » en compagnie de John Mac Laughlin et Al di Meola, sera une autre révélation.
La carrière de Paco de Lucia ne connut jamais d’éclipse et, s’il toucha un peu à tous les genres (enregistrant même des musiques classiques de Manuel de Falla ou le fameux concerto de Aranjuez de Joaquin Rodrigo), il revendiquera toujours son appartenance essentielle au monde du Flamenco, sa véritable origine et son inextinguible passion. Les Flamencos lui rendront bien : « Je n’ai ni dieu ni maître disait un jour un aficionado, sauf Paco de Lucia ».
Paco, le « payo » (non gitan), ne jouait jamais aussi bien que lorsque son public était composé de Gitans. Ces derniers, dépositaires d’une tradition toujours bien vivante en Andalousie, lui vouaient une totale vénération. C’est ainsi que lors d’un concert mémorable donné au théâtre antique d’Arles en 1979, à la fin de sa prestation, une bonne vingtaine de Gitans vinrent brusquement sur scène, comme dans un état d’extase, pour entourer le musicien qui joua pour eux deux ou trois morceaux supplémentaires. Il est vrai qu’à chacun de ces concerts, dès les premières minutes, le musicien avait ce don rarissime de plonger l’auditeur dans une sorte d’hypnose qui est la marque des artistes d’exception. L’homme était pourtant discret et réservé. Son apparente froideur masquait en fait une très grande timidité. Il expliquait lui même que cette timidité l’avait conduit à devenir guitariste plutôt que de se consacrer au chant, sa première passion : il pouvait ainsi « se cacher derrière l’instrument ».
La mort brutale de Paco de Lucia a suscité en Espagne une énorme émotion. Deux jours de deuil officiel ont été décrétés dans sa ville natale. L’émotion est encore plus palpable dans le milieu flamenco, déjà marqué par la disparition récente d’autres grands représentants de cet art, comme le chanteur Enrique Morente ou le guitariste Moraito de Jerez.
Merci pour cette bio sérieuse et fiévreuse
Amicalement
Un vent d’Espagne souffle ce matin sur Paris…
Merci. S.
Après un tel éloge, il me tarde effectivement de le découvrir un peu plus longuement que les 3 minutes avant 7h30, ce matin sur France Inter
Que en paz descanse, y que encuentre en el cielo a su amigo Camarón.
D’une certaine façon Paco est immortel, car sa contribution « monumentale » dans le monde de la musique, perdurera au travers de chacun de nous, aficionados, guitaristes connus ou inconnus. Nous ne serions pas ce que nous sommes sans Paco, sa musique nous a animés de nombreuses années et continue encore.
Enfin, por favor, ne dites plus « de Luchia » (prononciation à l’italienne) par respect pour Paco qui a choisi son nom de scène en hommage à sa mère, Luzia, (d’origine portugaise).
Ce vent d’Espagne qui souffle même jusqu’ en nos Flandres ……. ex-spagnoles .
Posons nos vinyles et compacts de PACO sur leurs axes respectifs , et ,
qu’ à défaut de la Mort , le Temps retienne son souffle …
Olé Gérard, c’est un bel hommage que tu rends à cet humble maestro de la guitarra, qui, en « touchant » sa flamenca, a touché tant de gitanos et de payos. Quelle perte pour le mundo flamenco!
hola mi amigo Gerard. Merci pour ce bel hommage. Ca m’a donné envie de m’arrêter, réécouter, fermer les yeux, me laisser porter et sentir un souffle chaud réchauffer mon cœur. Paco n’était surement pas bien loin..!
Merci Gérard pour ce bel hommage à Paco de Lucia. Que de souvenirs de disques ré-écoutés à l’envie. Tu as vécu en connaisseur une grande partie de son évolution artistique qui s’est enrichie et s’est modifiée avec le temps… De mon côté, j’avais du mal à y retrouver un peu du flamenco traditionnel qui m’est cher dans ses disques sur la fin de sa carrière. Et ton iconographie toujours rare et de grande valeur nous enchante
Hasta luego