Il paraît que Maurice Ronet a peint et qu’il aurait même vendu des toiles mais son nouveau biographe, José-Alain Fralon, n’a pu en retrouver la moindre trace, malgré son obstination d’enquêteur chevronné. En l’occurrence l’information est anecdotique dans ce parcours de l’acteur, écrit avec un talent singulièrement empathique, par José-Alain Fralon. Pour cette raison, « Le splendide désenchanté » tient ses promesses.
Pour l’histoire de ce gentleman disparu un peu vite en 1983 alors qu’il était né en 1927, José-Alain Fralon a utilisé principalement deux focales. Une pour le cinéma bien sûr et l’autre pour ses conquêtes féminines tant le charme de l’acteur était aussi ravageur que l’homme était secret.
« Ascenseur pour l’échafaud », « Feu Follet », « Plein soleil », « La piscine », c’est le carré d’as cinématographique du « splendide » Maurice Ronet qui par ailleurs, apprend-t-on, se faisait facilement plumer au poker par Jean-Louis Trintignant. Osons ajouter, entre autres, « Raphaël le débauché » dont l’intitulé colle si bien à l’homme qui connaissait par cœur les bas-fonds de Barcelone et dont la vie, de façon plus générale, est jalonnée par des virées jusqu’à l’aube. Seul ou accompagné, Maurice Ronet rentrait alors dans son hôtel ou plus tard chez lui, après avoir réglé de sa poche d’abondantes tournées.
« Mon Dieu qu’il était beau ! », se souvient une dame désormais âgée. José-Alain Fralon a retrouvé certaines des anciennes conquêtes de l’acteur qui vibrent encore à l’évocation des yeux bleus de Maurice Ronet. De ce qu’il ressort des lignes de l’ouvrage, Ronet apparaît comme un séducteur où le cœur, la sensibilité, contrebalançaient le désir strictement charnel. Mais quelle hécatombe. Telle actrice qui hésitait à tourner une scène d’amour s’est mise à scruter sa montre, impatiente de tourner la fameuse scène, après avoir fait sa connaissance. Telle autre beaucoup plus jeune a insisté et même intrigué pour qu’il soit le « premier ». Ce qui fut fait.
On prend du plaisir à retrouver sous la plume légère et précise de José-Alain Fralon ces années soixante où l’on pouvait s’amuser sans retenue et même jusqu’à l’idiotie comme de traverser un carrefour à fond d’accélérateur en fermant les yeux, selon une recette de l’écrivain Roger Nimier l’un des ses bons amis et qui du reste, devait se tuer en voiture. Cette biographie nous invite à la table de personnalités attachantes comme Antoine Blondin, Maria Pacôme, Romy Schneider, Michel Bouquet et tant d’autres. Et elle ne nous fait pas qu’un peu serrer les fesses au côté de Maurice Ronet rejoignant au volant d’un bolide son fief de Bonnieux dans le sud de la France où il repose désormais.
Ce n’est pas la première biographie de cet ancien journaliste du Monde qu’est José-Alain Fralon. Il a ainsi dressé le portrait de l’industriel belge Albert Frère (Le fils du marchand de clous), mais c’est bien la première fois que l’on sent chez lui une telle empathie et une nette sympathie pour son sujet. La raison en est que Fralon lui-même, qui n’a jamais eu de biographe, emprunte à Maurice Ronet quelques travers ou qualités au choix, qui donnent à ce livre une authenticité peu courante.
Ed. des Equateurs, Sainte-Marguerite-sur-Mer, France/Prix : 20.00 €/Date de sortie : 03/10/2013
PS : Anecdote qui ne se trouve pas et pour cause dans le livre : un jour un gars a croisé Maurice Ronet à proximité de la gare Saint-Lazare. Le gars se rendait rue d’Astorg, chez son notaire qui était aussi sa cousine. Et il lui dit « tu ne sais pas quoi, j’ai croisé Maurice Ronet ». Et sa cousine de lui répondre : « tu te trompes, cela fait dix ans qu’il est mort ». Mais le gars se souvient encore du regard de l’acteur, comme surpris d’avoir été reconnu, comme un voleur en fuite. Et puis cet artiste, justement qualifié un jour de « spectral », s’est perdu dans la foule.
« Pour faire un bon film il faut trois choses: une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire ». C’est Gabin qui disait cela. Il faut aussi peut-être une tête d’affiche, mais aussi une bonne bande d’acteurs qui vont rendre goûteux le film et non servir la soupe à la vedette. Maurice Ronet comptait dans la bande.
Comme un livre d’histoire et qui se lit tout seul le temps d’un Paris Lyon environ.