C’est l’une des pièces maîtresses de l’exposition déployée autour de Jean Cocteau au Musée des lettres et manuscrits (Mlm). Ce joli portrait, tout en nuances, signé Marie Laurencin, est inclus dans un manuscrit de Jean Cocteau titré «Marie Laurencin par Jean Cocteau». La fiche anthropométrique de Marie Laurencin par Jean Cocteau donnait ceci : «cheveux inhumains, sourcils invisibles, nez absent» mais c’était de l’humour car ils étaient amis.
On peut se déranger pour Jean Cocteau. Ce n’est pas parce que ses mémoires (1) trahissent toute une aigreur agglomérée au fil des ans contre le genre humain en général et les journalistes en particulier qu’il faudrait pour autant ignorer le poète, l’écrivain, le cinéaste et le dessinateur.
Cette exposition au Musée des lettres et manuscrits fait naturellement la part belle à l’écrit avec beaucoup de documents originaux. Lire des lettres exposées dans des vitrines peut être décourageant mais avec Cocteau ce n’est pas le cas. Ses dessins envahissent presque systématiquement ses écrits telle une vigne vierge en croisade d’ornement. Et autant ses écrits trahissent une certaine humeur autant ses dessins sont évocateurs d’un monde poétique, aérien, que l’on reconnaît très vite tellement ils procèdent d’une variation autour d’un même thème ou d’un même univers.
Cette expo est accompagnée d’un complément sur Edith Piaf car les deux artistes étaient deux amis proches, décédés le même jour de la même année, soit le 11 octobre 1963. On lira avec intérêt la lettre à la chanteuse que le ministère de la culture publie sur ses murs face au Palais-Royal, par ailleurs ancien quartier du «Prince des Poètes». Il s’y plaint d’une époque «inculte et embrouillée» qui va jusqu’à lui contester le titre de Prince des poètes, soit une offense difficile à digérer. Ses dessins enchantent ses textes mais ses rancunes les gangrènent.
Pour les cinquante ans de sa disparition il vaut mieux retenir ses films merveilleux comme la Belle et la Bête ou si étranges comme Orphée et le Testament d’Orphée. On verra avec intérêt au Mlm la photo de la grande Citroën noire que l’on croise dans Orphée. Le cliché a été pris devant le cinéma Colisée où l’on jouait en 1950 la première du film. Le rêve stationnait sur les Champs Elysées avec à l’intérieur son autoradio diffusant un programme de derrière le miroir. Ce n’était qu’une bagnole mais quand même, elle sortait bien du film.
Musée des lettres et des manuscrits jusqu’au 23 février
(1) Ses mémoires