Toutes les nuances de vert… sont dans la nature. Elle offre aux peintres une sublime planche de chlorophylle à colorier, aux gourmands des verts à faire saliver : amande, pistache, kaki, réséda, olive, épinard… Tous les végétaux sans exception participent à la verdoyante symphonie planétaire. Ils se drapent de tons qui chatoient au fil des saisons. Pas le thuya qui revêt à longueur d’année le même uniforme sévère et sans éclat.
Un morne habit que relèvent les sites de jardinage où ce conifère bien ordinaire est décrit comme « ne présentant pas d’atout particulier d’un point de vue esthétique » hormis son « grand pouvoir d’opacité ». Enthousiasme débordant. Le végétal est à dire vrai si peu ornemental qu’on l’expédie vite fait au fond du jardin pour y faire le mur. Comme un collégien puni sommé d’aller au coin. Fait de thuyas, le mur suinte la monotonie face au bigarré d’une haie artistiquement diversifiée.
Et d’ailleurs qui saurait dessiner la feuille de thuya ? Ses écailles rêches et aplaties n’aspirent pas à l’immortalité dans un quelconque herbier. Quant à ses rameaux hérissés, ils tiennent du bouclier ébréché, compact à certains endroits, troué à d’autres. Le bougre ébouriffé est réfractaire à la coupe topiaire.
Solution de facilité pour meubler urgemment un espace nu ou fermer un champ ouvert à tous vents, le thuya vieillit aussi mal qu’il pousse vite. C’est le feuillu du pauvre, celui que dédaignent les « vrais » jardiniers formés à la patience à l’école Notre Dame Nature.
Si seulement son feuillage fleurait bon… Mais s’en dégage une désagréable odeur de désinfectant si bien qu’en plein air on se croirait à l’hôpital en fermant les yeux. Il est vrai qu’il peut y conduire : il est réputé abortif et allergène.
L’arbre est du genre à rentrer par le balcon quand on rêve de le bouter hors du portail. Qui n’a jamais vu un petit thuya innocemment planté sous une fenêtre devenir si grand qu’on peine à ouvrir les battants ? Jadis, bébé thuya fit office de hochet littéraire aux lecteurs de Pif gadget. Malheur aux ascendants qui s’empressèrent de le planter pour complaire à leur progéniture ! Ils rêvent aujourd’hui de se débarrasser de cet encombrant rejeton de la famille des cupressacées.
Et puis sournois avec ça. L’épaisseur grandissante de ses haies non taillées grignote peu à peu votre espace vital, réduisant d’autant celui de plus décoratifs. Le thuya est arbre abusif, son emprise étouffe le jardin d’origine et pire celui mitoyen. Voisins importunés par sa ramure qui songez à la raboter, gardez vous en bien, le remède serait pire que le mal, il mettrait à nu ses bois disgracieux.
Le thuya prend volontiers la place d’un défunt voisin de rang. Tiendrait-il de la salamandre ? L’animal touffu est coriace, il résiste aux maladies. Ce qui ne l’empêche pas de « maronner » quand l’incendie bactérien s’empare de ses entrailles et le ronge à petit feu. C’est la mort moche et lente assurée pour l’ensemble de la haie. Ne reste plus qu’à faire appel à la pelleteuse pour se débarrasser du tout, racines comprises.
Pour remplir sa fonction de brise vue, seul intérêt que je lui concède, je lui préfère les canisses derrière lesquelles Julien Clerc cachait sa pudique Mélissa. Et je dénie à quiconque le droit d’accorder au thuya la noble appellation de « cèdre ». Car s’il vit longtemps et peut atteindre plusieurs dizaines de mètres, qu’a-t-il de commun avec le cèdre de l’Atlas aux magnifiques aiguilles bleutées ? Ou avec le Vénérable du Mont Liban au tronc lisse et au port majestueux que le poète qualifia de « relique des siècles et de la nature » ?
En résumé, s’il venait à manquer à la biodiversité je ne verserais pas une larme de résine.
Bien d’accord, il y va du thuya sur le balcon comme de la feuille de salade sur une assiette de charcuterie, fade et défraîchie. Et si l’on souhaite une tache de verdure l’hiver, optons pour un laurier rose qui peut nous faire cadeau de fleurs en hiver ou d’un olivier par exemple…
Rien ne vaut le parfum d’un seringa. PHB
Je partage avec vous l’amour des Soirées de Paris et la haine du Thuya. Voilà deux raisons pour une lecture attentive de votre billet qui s’avère parfaitement synthétique des méfaits de ce « non-cèdre ».
Un détail cependant : je crois bien que Serge Gainsbourg et sa tête de chou n’ont rien à voir avec la Melissa de Julien Clerc derrière ses canisses . Mais si je me trompe, tant mieux : cette chanson ne dépare pas dans l’oeuvre du génial Ginsbarre.
Effectivement, j’ai confondu voix chevrotante et tête de chou… Une erreur que Philippe va bien vite corriger.
Pour le reste, toutes les options végétales me conviennent !
… Et la chèvre a mangé le chou.
Correction effectuée! PHB