Braque, premier de cordée au Grand Palais

En 1907, Guillaume Apollinaire prend le peintre Georges Braque par le bras et l’emmène à Montmartre, creuset amniotique de l’art moderne. Celui qui sera plus tard blessé dans les tranchées comme Apollinaire, est alors dans sa période fauve, après des débuts impressionnistes. A Montmartre, l’écrivain lui présente Pablo Picasso dans son atelier. Braque y découvre alors «Les demoiselles d’Avignon». Le plus fameux tandem du cubisme vient de se former. Le Grand Palais abrite du 18 septembre au 6 janvier la grande rétrospective Braque.

Ils vivaient une époque formidable. Georges Braque a dit plus tard le côté tout à la fois unique, essentiel, inédit et pour tout dire définitif, de ses échanges avec Picasso.  Ainsi dans Cahier d’Arts en 1954, via des propos recueillis par Dora Vallier, Braque confie notamment : «On s’est dit avec Picasso des choses que personne ne se dira plus, des choses que personne ne saurait plus se dire, que personne ne saurait plus comprendre… des choses qui seraient incompréhensibles et qui nous ont donné tant de joies… et cela sera fini avec nous. C’était un peu comme la cordée en montagne…»

« Le grand nu » (1908), visible à l’exposition Braque au Grand Palais. Photo: Les Soirées de Paris

Encore une fois Apollinaire avait joué le facilitateur et il ira plus loin en 1913 en faisant paraître dans Les Soirées de Paris plusieurs œuvres parfaitement cubistes de Georges Braque et photographiées par le célèbre collectionneur Daniel-Henry Kahnweiler. La revue justifiait ainsi son statut avant-gardiste et du reste, quelques numéros plus tard, elle publierait Fernand léger qui s’aventurait alors sur la voie des cônes et des tubes.

C’est lui le «patron» avait dit et écrit, le critique, écrivain et éditeur Jean Paulhan, mais fallait-il désigner absolument un chef de file. Derrière Braque il y en a eu quand même beaucoup d’autres avec autant de talent comme Juan Gris (que Salvador Dali jugeait supérieur), Gleizes, Metzinger et aussi Serge Férat qui avait par ailleurs la responsabilité artistique des Soirées de Paris.

Braque n’avait pas l’effervescence de Picasso et n’était pas comme ce dernier, habité par plusieurs génies à la fois, malfaisants et bienfaisants. Surtout dans cette fameuse période cubiste, ses toiles sont souvent mates, parfois ternes, tandis que Picasso pratiquait davantage le vif et le chatoyé. On peut apprécier ou critiquer Braque sur chacune de ses périodes mais pas sur l’ensemble tellement il est varié.

L’œuvre qui fait l’affiche de l’exposition a été réalisée trois ans avant sa mort en 1960. Elle est bien loin de sa période cubiste. Elle impressionne par la simplicité géniale de sa mise en scène et ses couleurs apaisantes parce qu’enfin vivantes. Mais Dieu que cette période créatrice d’avant la première guerre est plaisante avec ses papiers collés, cartons ondulés, gouache, crayon et aquarelle mêlés.

Aspect de l’exposition Braque au Grand Palais. Photo: Les Soirées de Paris

Cette exposition témoigne logiquement de plusieurs époques et il est bien sûr intéressant de voir l’évolution du peintre jusque dans son atelier de Varengeville sur Mer par exemple. Près de Dieppe il est toujours agréable de respirer. Mais en stationnant tout près des œuvres cubistes les plus caractérisées de Braque, sa maîtrise dans l’expression cubiste, moderne, fait qu’on y respire à deux fois les effluves hérités de cette épopée extraordinaire.

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3 réponses à Braque, premier de cordée au Grand Palais

  1. Merci pour cette belle évocation. Ceux qui aiment Braque pourront se rendre à l’occasion au cimetière marin de Varengeville s/mer (76) où il repose en la bonne compagnie du musicien Albert Roussel, dont les sculptures païennes de son tombeau donnent des envies d’au-delà et de Georges Porto-Riche, auteur dramatique aujourd’hui bien oublié, qui fut un des nombreux correspondants de Proust. Et pour revenir à Braque, sa tombe est embellie d’une mosaïque représentant une colombe dans des tonalités de bleu, si je me souviens bien…

  2. Ping : Le cas Kahnweiler | Les Soirées de Paris

  3. de FOS dit :

    Les oiseaux se cachent pour mourir.
    Les oiseaux vont mourir au Pérou…
    Braque achève sa vie de peintre multicartes avec les volatiles. Son tableau éthéré « oiseau 1 et oiseau 2 » nous accompagne jusqu’à la sortie de l’exposition…

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