C’est quand même une surprise que ce roman sorti en juillet 2013 mais écrit en 1912 par un auteur soufflé par un obus en 1917, à Craonne. « Le club des neurasthéniques » est un roman d’anticipation puisque l’action se déroule en 1915 trois ans après son écriture et achèvement. Il relate les aventures de parisiens quelque peu loufoques et blasés qu’une épidémie de peste encourage à mettre les voiles pour les Antilles.
Disons le enfin, l’auteur du « Club des neurasthéniques » a été écrit par René Dalize, né chevalier René Dupuy des Islettes, cofondateur des Soirées de Paris et surtout ami d’enfance de Guillaume Apollinaire. Ils mourront l’un et l’autre au même âge sans connaître l’Armistice.
Dans la postface, Eric Dussert explique que cette histoire est d’abord parue en cinquante épisodes dans les colonnes du journal Paris Midi. Les lecteurs du quotidien de l’époque ont du reste été avertis que le « Club des neurasthéniques » inclut « un certain nombre de détraqués, victimes de la civilisation intensive du vingtième siècle (déjà !) ». Il est un fait que l’un des protagonistes fustige la disparition de l’automédon (taxi tiré par un cheval ) tout en concédant que «chaque époque a son esthétique».
C’est un livre un peu déroutant de prime abord car, cinquante épisodes tout en un, bouleversent de beaucoup le confort de lecture en créant un rythme inhabituel. Ainsi les trop nombreux dialogues virent rapidement à la surdose. Il n’en reste pas moins que la comète de Dalize, qui nous repasse au firmament telle celle de Halley, suscite une vraie curiosité étant entendu que cet ouvrage, sauf pour les collectionneurs de Paris Midi, n’était lisible que sur microfilms à la BnF.
Passé un temps d’adaptation, on finit par se laisser embarquer dans cette histoire avec ces curieux personnages allergiques au progrès, prompt au duel pour l’un, intoxiqué à l’opium pour l’autre.
Sachant que René Dalize a été consommateur d’opium et dénonçait entre autres un «monde urbain et moderne jugé trop peu viril» selon les mots d’Eric Dussert qui renvoie notamment sur un article de Dalize paru dans le numéro 11 des Soirées de Paris.
Cette postface nous apprend aussi que Dalize, écrivait à Serge Férat (autre ami intime d’Apollinaire, directeur artistique et mécène des Soirées de Paris) que la Grande Guerre relève d’un «instinct sauvage qui n’est pas sans beauté». La poésie d’Apollinaire l’artilleur lui donnera raison.
Au Front, Dalize flamboie. En chevalier qu’il est vraiment. Blessé à plusieurs reprises, il retourne à chaque fois (de Dieppe notamment) dans les tranchées, à peine convalescent, jusqu’à ce qu’un éclat d’obus finisse par emporter ce guerrier obtus. Son corps, emballé dans un drapeau mais mal enterré, n’a pas été retrouvé. Eric Dussert a sélectionné ce commentaire d’Apollinaire publié en son temps par Pierre-Marcel Adéma, biographe du poète : «Il avait couru toutes les mers, charmant, plein d’illusions gracieuses, il se croyait revenu de tout. La vie fut pour lui un cinéma».
Il y a donc un décalage horaire patent dans ce roman d’anticipation paru en tranches il y a un peu plus de cent ans à présent. Les membres de ce club de neurasthéniques assumés se méfiaient déjà du téléphone. Au vu de ce que l’on peut voir de nos jours dans les rues, ils ont bien fait de s’éclipser. Et René Dalize a été bien avisé de nous laisser ce petit mot.
Le Club des neurasthéniques. Par René Dalize. Editions Arbre Vengeur. 324 pages. Vingt euros.
Merci de signaler cette publication. Bonne rentrée!
Cela s’imposait. Merci de votre petit mot. PHB
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