Il se peut pour beaucoup, que cette rentrée qui s’annonce, ne se présente pas sous les auspices les plus encourageants. C’est l’ambiance économique qui veut un peu ça. La crise est comme la marée basse, elle laisse affleurer des choses pas toujours ragoûtantes. Et les personnalités médiocres que la marée montante recouvre ou dilue d’habitude, trouvent à s’épanouir et bombent l’enveloppe. Pour aborder le mois de septembre dans ces conditions, il n’est pas honteux de se faire aider. Il est recommandable dans ce contexte de lire ou relire «La dame qui aimait les toilettes propres».
Cet opuscule de 138 pages ne figure pas dans les « tops » récents des meilleures ventes de livres. Il est d’abord sorti chez Calmann-Lévy en 1998 puis plus tard chez Folio. Pour le même prix que deux grilles de loto attrape-nigaud, on peut entrer immédiatement en jouissance de son gain, bien supérieur au prix d’acquisition.
En à peine plus d’une centaine de pages, on s’attache immédiatement à cette américaine, Jocelyn Guenevere Marchantière Jones, 42 ans à l’état-civil, qui passe assez rapidement d’une situation enviable dans la meilleure société américaine à des problèmes de fin de mois qui lui font tout envisager, de la prostitution au suicide.
C’est sans compter cependant sur quelques solides (mais brefs) préceptes que lui avait laissés sa grand-mère. Joy pour les intimes fait preuve d’une capacité de résistance à l’adversité en général, et aux attitudes déplaisantes des gens qu’elle rencontre en particulier, qui pourrait servir de viatique à ceux que l’angoisse de rentrer noue les organes comme s’ils allaient se faire opérer.
Le mot d’ordre prononcé par sa grand-mère s’avèrera diablement efficace, cette aïeule qui lui disait en substance : «ton snobisme est ce que tu possèdes de plus précieux au monde, chéris-le. Evite les hommes sans courage, et quand tu es privée de la sécurité de tes toilettes, ne va faire pipi que dans les endroits les plus propres».
L’auteur de «The lady who liked clean rest rooms» s’appelle J.P. Donleavy. Il est natif de New York (en 1926) et vit en Irlande. C’est lui le responsable de monuments de la littérature comme «L’homme de gingembre» ou encore «Les béatitudes bestiales de Balthazar B» ce dernier étant une sorte de perfection romantique, aérée par un humour génial n’appartenant qu’à Donleavy.
Il se trouve que dans tous les ouvrages produits par Donleavy, la notion de résistance à un environnement hostile, vulgaire, sous-tend l’ensemble de ses narrations. Le mince ouvrage de la dame qui s’évertue à ne se soulager que dans les endroits immaculés peut servir de marche pied à l’œuvre si originale de Donleavy. Dont la plupart du temps on ne sort pas indemne parce qu’indéniablement séduit.
PS : Il y a par ailleurs dans ce livre une allusion à une certaine Miss Fitzdare. On retrouve mention ou intervention de ce patronyme dans au moins deux autres romans de l’auteur. Comme s’il la cherchait toujours. Autre détail, il y a quelqu’un chez Folio qui s’obstine à illustrer les œuvres de Donleavy d’une couverture présentant une femme de Botero. Le rapport entre les deux est pourtant fichtrement inexistant.
Rien de plus revigorant que de découvrir un nouvel auteur, sous réserve que les bonnes librairies soient encore capables de nous le dégoter dans un délai raisonnable…
Merci de m’avoir rappelé l’existence de l’auteur de « l’homme de gingembre » et surtout des « Béatitudes bestiales de Balthazar B » ; ces livres, dénichés au fond de ma bibliothèque,vont être relus avec plaisir !
Joëlle