A quoi pensent les gens dans les réunions lorsqu’ils n’écoutent pas l’orateur. D’abord il suffit de quitter le regard de l’orateur et d’opérer un panoramique sur celui des participants pour comprendre qu’effectivement, tout le monde ne se passionne pas forcément pour le sujet du jour. Certains peuvent avoir d’autres occupations intérieures, voire fantasmer sur tel ou telle ce qui est le biais distrayant le plus pratique, l’important étant de garder la posture de quelqu’un d’hypnotisé par l’oracle en cours afin de ne pas être pris en défaut. Il se trouve qu’un jour…
…l’éminent dessinateur de bande dessinée Philippe Bertrand (disparu en 2010) avait imaginé dans le cadre de ses histoires érotico-modernes, un appareil destiné modifier une atmosphère intérieure, le « simulateur d’ambiance ».
Soit une réunion d’amis se limitant à quelques échanges anodins au milieu d’un après-midi que l’on devine morne, sans attraits ni perspectives intéressantes. Combien d’entre-nous ont vécu ces moments oubliables, chez soi, chez les autres ou en réunion.
Cette première image titrée « l’après-midi sans simulateur » est parfaitement colorée, avec un style très inspiré, comme toujours chez l’auteur. Mais cette planche délibérément insignifiante dans sa portée, Philippe Bertrand la légendait ainsi : « N’acceptez plus de vous ennuyer entre amis. Passez par-dessus les conventions. Laissez tomber la prudence en toute impunité ».
La seconde, avec simulateur donc, était commentée ainsi : « Fini les conversations, fini les politesses, grâce au simulateur d’ambiance vous vivrez dans l’urgence. Ambiance émeute, pillage, guerre civile. Déchaînez-vous ». La scène entre alors en dégénérescence, le décor vole littéralement en éclats tandis que les désirs s’assouvissent dans un climat tout autant voluptueux qu’incendiaire.
Le message testamentaire de l’auteur de la fameuse série intitulée « Linda aime l’art » nous invite par transposition à diriger nos pensées autrement lors des réunions fastidieuses. Le passage à la réalité n’est même pas nécessaire. C’est notre cerveau qui devient simulateur d’ambiance. « En toute impunité » comme le disait Philippe Bertrand. Seule préconisation, soyez prêts à sortir une réponse à usage multiple lorsque la question du genre « que pensez-vous de la nouvelle stratégie de communication digitale » vous sera posée. Le retour sur terre est toujours moins drôle.
Quel dommage, Philippe n’avait pas pensé à se munir de son simulateur lors de la réunion de ce matin …
C’est notre cerveau le simulateur. PHB