On y va avec en tête l’image de Jean-Paul Belmondo courant éperdu dans Brasilia. Paradoxalement c’était l’homme de Rio . Des immeubles fraîchement construits, d’autres en chantier et cette grasse terre du Brésil, rougeoyante, luisante, que les tractopelles tournent et retournent afin de creuser ou aplanir le site. Ce film de Philippe de Broca sorti en 1964 a admirablement figé par ses prises de vues vertigineuses la toute neuve capitale du Brésil au terme de sa première gestation. Le siège du Parti communiste sis place du Colonel Fabien et dessiné par Oscar Niemeyer l’un des architectes de Brasilia, abrite légitimement jusqu’au 30 juin cette épopée architecturale.
Comme pour La Défense, Brasilia n’était au départ que le croisement de deux routes. Décidé dans les années vingt, le tracé a été conçu sans…croisements par Lucio Costa (un Toulonnais ce qui ne va pas sans le préciser) et l’on peut voir d’ailleurs les plans pilote qu’il esquissa. Sachant qu’il a fallu près de quarante ans pour donner les premiers coups de pelle et 1000 jours pour les ouvriers afin d’en achever le premier cœur. Et l’aventure court toujours puisqu’un chantier est en cours pour le stade qui abritera en 2014 la coupe du monde de football.
Les premières photos du site dans les années cinquante sont formidables en ce sens qu’elles célèbrent une sorte de messe démesurée à l’adresse d’une société moderne. On y voit des ouvriers que l’on fit travailler dans des conditions qui ont été décrites comme terribles mais les images exposées n’en montrent rien. Et aussi les premiers alignements de carcasses d’immeubles, si fantomatiques dans la brume, dont le traitement noir et blanc amplifie la beauté du spectre.
Un magnifique diaporama parce que diaphane, accentue l’écart entre le gigantisme du projet et la taille des bâtisseurs casqués. Derrière nous, incessant, le souffle de Jean-Paul Belmondo se fait toujours entendre de même que le cliquetis des verres au milieu des premiers cocktails chics organisés par les nouvelles élites brésiliennes à qui tout semblait réussir.
L’architecte vedette de Brasilia est Oscar Niemeyer, disparu récemment à près de 105 ans. Cette exposition itinérante, après l’Espagne, le Portugal, le Brésil, l’Argentine, le Chili et l’Inde, s’est évidemment trouvé un bel écrin avec cet immeuble doucement ondulant qu’est le siège du PCF, puisqu’il est signé Niemeyer. C’est le bonus de l’exposition que de découvrir les entrailles de ce bâtiment mystérieux pour qui n’est pas militant attitré ou habitué des expositions qui y sont organisées, l’avant-dernière ayant été pour Aragon. La grande salle de conférence est figée dans son style des années 70 et son plafond dentelé suscite une certaine surprise. De l’intérieur et un peu en contrebas, le dôme blanc change sa pose habituelle tandis qu’autour un pratiquant de skateboard est entré à la sauvage pour en faire le tour avec en tête un rêve de spot à Hawaï. Et le tout place du Colonel Fabien. Trop fort.