Cette tache rouge sur le sable correspond au corps à demi enterré de Soraya qui vient d’être lapidée. Son mari vient peu après vérifier si elle morte mais il se voit obligé de crier aux villageois de ramasser d’autres pierres car la « putain » est encore vivante. Achevée, elle sera abandonnée aux chiens qui la dévoreront au bord d’une rivière. « La lapidation de Soraya » apparu dans les salles en 2008, est ressorti en DVD il y a peu.
Dans le film, l’action se situe en Iran au début des années 90. Mais lorsque l’on tape « lapidation » sur Google, on s’aperçoit avec rage et consternation que ce type de mise à mort pour adultère a toujours cours, encore récemment au Mali pour un couple, peu avant le début de l’opération Serval.
Le film de Cyrus Nowrasteh démonte bien le processus qui conduit à l’abomination. Un mollah apocryphe, un maire faible et surtout un mari violent qui veut divorcer sans payer de pension. Il ne reste plus qu’à monter la fable, organiser la rumeur, trouver quelques faux témoins et voilà Soraya dans la nasse. Les organisateurs de ce qui se terminera par une fête villageoise, tracent un cercle blanc sur le sol et creusent un trou au milieu. Une fois Soraya à moitié ensevelie, c’est à son vieux père de lancer les premières pierres, puis aux deux fils, puis au mari, puis aux villageois trop heureux de cette fête « participative ».
Le paysage environnant a beau être magnifique, l’histoire est très difficile à déglutir. C’est grâce à la tante de Soraya et à un journaliste probablement envoyé par Dieu que cette histoire a été rendue publique. Pour combien d’autres femmes, littéralement enterrées sous le sable et les pierres, là est toute la terrible question.
Pas évident de juger un peuple. C’est quoi l’Iran, un film « La Séparation » une histoire de divorce où l’on peut se dire qu’il reste un espoir d’humanité au-delà du fanatisme des hommes ? A moins que ce ne soit cet autre film, celui-ci, écho d’une bêtise humaine insondable. Est-ce une question de peuple à jamais plongé dans une obscurité moyenâgeuse ? Je pense à l’Allemagne des années 20. Elle repensait le monde, le Bahaus, Freud, les mathématiques, l’architecture, la physique, la littérature, de ce Reich là on n’en aurait bien pris pour mille ans…Et pourtant il portait en son sein… Il est encore fécond le ventre d’où sortit la bête immonde. Le fascisme pensait Brecht ? Non bien pire, la connerie ! Celle qui fait qu’un jour votre propre voisin puisse devenir un monstre.
Ecoute, écoute Nazim Hikmet , un poête turc…
Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau
Quand le bourreau lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous somme écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Nazim HIKMET, 1948
C’est un magnifique poème
Merci
Histoire terrifiante, image insoutenable.
Quant au film iranien sur le divorce d’un couple, il s’intitulait précisément « Une » séparation, l’emploi de l’article indéfini renvoyant à la banalisation des faits.