Vendredi 12 avril 2013, il est 18h20 à la station Miromesnil. C’est l’heure où tout le monde fuit son bureau avec une vive envie de retrouver ses pénates. Au point que personne ne regarde ni rien ni personne, les pas seulement guidés par le GPS interne réglé sur « maison » ou « partout mais ailleurs ». C’est pourquoi aucun usager ne semble faire attention à ce panneau vidéo publicitaire qui joue à plein régime et en boucle débridée une partition solo.
Très étonnant. Dans un salon d’art contemporain, le prix d’une telle œuvre s’échangerait sur le ton de la confidence tandis que là c’est juste le logiciel de ce panneau Samsung et griffé par la régie Métrobus qui s’est affranchi de son programme interne. A l’origine il s’agissait peut-être d’une pub pour Coca-Cola vu qu’un autre panneau voisin continue de vanter la boisson désaltérante sans sortir des sentiers battus.
Sur l’écran devenu fou, l’improvisation n’est pas totale. Le logiciel interne a su préserver le principe de la boucle. Mais à l’intérieur, le charivari circulaire est des plus captivants.
Le début de la boucle, tout comme la fin d’ailleurs -c’est normal parce que les deux se touchent et même se confondent- ressemble au logo rouge et noir de la banque Société Générale mais retouché par un Mondrian revenu sur terre pour s’adonner aux arts vidéographiques. C’est une simple supposition mais si ça se trouve c’était justement le cas. A Miromesnil autant qu’à Pigalle ou Mouton-Duvernet, les fantômes sont des passagers comme les autres.
Cette désorganisation colorée est presque un style à cultiver sachant que la fonction « aléatoire » est depuis bien longtemps maîtrisée par les informaticiens. Mais le simple aléa n’est pas suffisant. Il est des hasards parfaitement ratés ou banals et ce sont sans doute les plus nombreux.
Non, la différence avec ce panneau vidéo de la station Miromesnil (qui multipliait encore ses zigzags géniaux les 13 et 14 avril), c’est qu’il constitue toute la beauté expressive de l’accident. Ce fameux coup de dés qui pourtant n’abolira jamais le hasard comme l’écrivait joliment Mallarmé.
On peut le supposer désormais réparé. Heureusement, la vidéo en haute définition de ce désordre intolérable est conservée gravée sur la clé USB des Soirées de Paris. Et du coup, lorsque l’on approche cet instrument de stockage de l’oreille on entend des « ttt » « zzz » « ttt », un genre de langage morse que l’on aimerait décrypter afin de savoir ce que cet auteur de passage sur terre a bien voulu nous dire.
Joli « Reflex »…
un exemple de sérendipité comme on aimerait en voir plus souvent 🙂
J’en regretterais presque de ne plus prendre le métro tous les jours…
« Je confirme Philippe Bonnet est bien là, ce matin. son ordinateur allumé sur son bureau ».
« Enfin non, je ne l’ai pas vu »
« Vous dites ? »
« Sur son écran ?»
« Oui en papier peint un carré de couleurs orange ou jaune »
« Non je vous l’ai dit ne sais pas où il est »
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