En bouquets reluisants sur l’étal des marchés/Equilibre parfait entre branches et ramures/Ces robustes bonzaïs aux deux couleurs tranchées/Expédient au palais l’humus de leurs nervures.
L’écarlate tomate sied à ces graminées/En chair ou en coulis, la gironde leur apporte/Le fruit qu’elles n’ont pas eu, cruelle destinée/Mais qui sur tous les feux leur fait ultime escorte.
Blette, bette, poirée, carde, bléa… Ce végétal tient du caméléon régional tant son appellation varie au gré des terroirs. Longtemps, il n’eut pas l’heur de plaire. Son appellation la plus courante évoque, c’est fâcheux, l’état de mûrissement avancé, à la limite du pourri. Il souffre d’un relent de « légume du pauvre », à l’instar du rutabaga et du topinambour, plantes coriaces que ventres affamés bénirent pourtant durant la dernière guerre. En cuisine enfin, la blette pâtit enfin d’une réputation (usurpée) de dure à cuire et de fastidieuse à préparer : lavage et épluchage minutieux, cuisson séparée des vertes feuilles et des blanches côtes.
C’est oublier un peu vite les atouts de la belle. Peu calorique, voire diurétique et laxative, elle est prisée des soucieux de leur ligne comme des « lents dehors », ces paresseux de l’élimination. Vitaminées et sur-minéralisées (sodium, phosphore, magnésium, fer, calcium et j’en passe), elle constitue le nécessaire végétal complet pour être en forme sans les formes. Enfin, bourrée de béta-carotène, elle regorge d’antioxydants censés prévenir le cancer. Ce primeur ressemble donc en tous points à la malheureuse Hélène de Brassens que d’aveugles capitaines ont un peu vite classée vilaine…
La blette appartient à la famille des chénopodiacées (merci Wikipédia). Comme la betterave, à laquelle elle emprunte son délicieux arrière goût de terreau. Comme l’épinard avec lequel elle rivalise au niveau ampleur et couleur de ses feuilles vert pin. Une grande famille… Mais n’allez surtout pas croire, à partir d’une anagramme hasardeuse, que la blette vous fera décoller de la planète ! Tout juste en deviendrez-vous délicieusement accro si vous l’intégrez dans vos menus. Car la blette se prête aux meilleures recettes. En voici une, économique et… bête comme chou pour rester dans cette grande famille.
Faites l’acquisition de belles bottes de blettes. Choisissez-les compactes, bien dures, drues, avec des feuilles vert foncé, brillantes et charnues. Recalez systématiquement les bouquets aux feuilles jaunies, signe que la blette a vieilli depuis sa récolte.
Lavez soigneusement le cul terreux des végétaux et retirez si besoin est la fine pellicule translucide qui recouvre les côtes. Le plus souvent, la tâche ne s’impose même pas. Youpi !
Coupez les blettes (blanc et vert) en fines lanières. Le mieux est d’utiliser une paire de ciseaux. Dans une poêle, versez une ou deux cuillérées d’huile d’olive, ajoutez les lanières de blettes, un peu de sel et de poivre, remuez bien. Faites réduire à feu moyen quelques minutes puis ajoutez un demi-verre de bouillon, de poule ou de veau. Faites à nouveau réduire les blettes quelques instants puis ajoutez-leur deux ou trois tomates fraîches. Après quelques minutes de cuisson pour éliminer l’excédent de liquide, servez les blettes telles quelles, le vert tendre et le blanc encore croquant. Mais vous pouvez aussi leur adjoindre une petite béchamel subtilement rehaussée de concentré de tomates avant de passer le tout à la chaleur du four pour une gratinée de blettes au gruyère râpé.
Me voilà jaloux… Quand je nourrissais encore mes enfants, voilà un plat que j’aimais cuisiner dans ces trois variantes, gratinée avec ou sans tomate au petit détail près que je séparais à la cuisson le vert et le blanc, justement pour que le blanc ne soit pas trop croquant.
Mes enfants ? Ils se portent bien quoique je doute qu’ils n’aient depuis jamais acheté des bettes.
Ca me rappelle une histoire. Dans la même famille on trouve le cardon, à la tige rouge et surtout qu’il faut faire blanchir une heure ou deux contrairement à la bette qui se cuisine rapidement.
Depuis quelques années se développent dans les villes des systèmes de livraison de légumes bio. Chaque semaine on reçoit ainsi un colis surprise. Ainsi un soir, fut livrée une botte de cardon, sans explication. Peu réussirent leur examen de passage.
Cela dit il y a pire, le salsifis, noir collant et pourtant lui épluché et blanc, la cuisine mains noires, nous offre un met délicieux pour accompagner le poulet…
Merci de rendre hommage à ce plat succulent, trop souvent absent des menus de restaurant et même des tables familiales. Lors de mes voyages en Espagne, je commandais fréquemment, dans les petits restaurants, des « acelgas » comme « primer plato », sans vraiment savoir de quel légume il s’agissait. J’ai appris il n’y a pas si longtemps qu’il s’agissait de ces fameuses blettes (à propos bravo pour le titre de l’article ! ) cuisinées à l’huile d’olive , bien sûr, et souvent mêlées à des « garbanzos », ces pois chiches pleins de bonnes choses et dont les Espagnols sont aussi friands.
Vive les bettes ou blettes : quel luxe de pouvoir porter deux noms, au choix…
Sans être à proprement parler l’ami des blettes, j’aime beaucoup cet article. PHB
Merci, merci, merci !
A dire vrai Bruno, étant une cuisinière assez récente, je n’ai pas eu à obéir au diktat de mes filles pour séparer le blanc du vert des blettes. Ce qui n’eût pas manqué, eu égard à leur naturel chipoteux, du temps où elles vivaient encore à la maison.
Je trouve l’expérience culinaire vécue par Gérard goûteuse, d’associer la blette aqueuse au pois chiche farineux. La cousine blette ne manque décidément pas de ressources !
Avoir couké presque comme stipulé, avec pas sel ni pas fromage, juste poussière de cèpes et crème d’une amie la vache. Mmmmmm, blette comme chou, ça faisait depuis l’enfance que je n’avais pas. Mon pote moldave en bave. Cru, ça hume le caracol, la bette rave et la cave, je jure. TF
je note et vais appliquer très vite cette recette pour un légume que j adore
J’aime boglou le commentagaire de Tristan Félix. PHB
Voilà ce que c’est que parler la bouche pleine !
on peut aussi (en séparant le vert du blanc) faire un gratin des blancs coupés en petits tronçons et béchamélisés au comté muscadé (recette d’amis du Jura) et réserver le vert pour agrémenter une farce fine (en lieu et place du persil)
en revanche, la poirée (que j’ai découverte l’été dernier et qui m’a servi d’ersatz – finalement excellent – pour la réalisation de lasagnes à la florentine – ordinairement saumon+épinard en remplacement du boeuf+tomate habituel), si elle a un vert proche de celui des bettes/cardons, a un blanc beaucoup moins imposant (en tous cas celle du potager des amis susmentionnés : 1 à 1,5 cm de large contre 6 à 7 cm), ce qui la rend moins polyvalente…
c’est quand les vacances, déjà ? ah, seulement…