Pour sa prestation dans Lincoln, Daniel Day Lewis s’est vu décerner l’Oscar du meilleur acteur. Un troisième trophée qui en fait l’un des acteurs les plus récompensés du cinéma contemporain. Pour endosser l’habit du président américain ayant mis fin à l’esclavage, le comédien irlando-britannique a lu quantité d’ouvrages sur le sujet, dont certainement Team of Rivals de Doris Goodwin dont Steven Spielberg s’est inspiré pour le scénario de son film centré sur l’adoption de l’amendement n°13, « la » bataille de Lincoln.
La ressemblance physique avec le mythique héros abolitionniste est frappante : collier de barbe accentuant la volonté mentonnière (il en fallut pour obtenir à l’arraché le vote !), redingote étriquée, col de chemise accusant la maigreur, haut de forme vissé en tous lieux sur le sommet du crâne (champ de bataille compris), regard pointu mais sourire malicieux, gestes ralentis, démarche lasse, allure dégingandée.
Son trophée en main, Daniel Lewis a confié qu’il aurait du mal à quitter l’habit présidentiel qu’il a si bien investi. On n’est pas surpris connaissant son maladif penchant pour l’immersion dans la psychologie et la gestuelle des personnages qu’il interprète. Allant jusqu’à passer des mois en fauteuil roulant à se nourrir à la petite cuillère pour être l’artiste surdoué mais diminué de My left foot de Jim Sheridan. Apprenant à tirer à l’arc et à dépecer les animaux pour se glisser sous une peau de bête dans Le dernier des Mohicans de Michel Mann. S’infligeant des séances d’interrogatoire musclées pour se couler dans le mental de Gerry Conlon, l’Irlandais victime d’une erreur judiciaire dans Au nom du père…
L’acteur est connu pour ses recherches aux fins d’incarner le rôle. Un travail d’ébéniste, carrière qu’il envisagea un temps, passion à laquelle il revint plus tard. Son souci de coller à la réalité physique et psychique va jusqu’à emprunter les diphtongues du héros. Médecin tchèque dans L’insoutenable légèreté de l’être, il apprend à parler la langue. Il adopte le parler new-yorkais voyou dans Gangs of New-York. Dans Au nom du père, il fait appel à ses racines irlandaises, à celles britanniques dans Chambre avec vue. Avec un tel investissement personnel, pas étonnant que l’acteur se fasse rare. Moins de 20 films depuis 1971 et 5 seulement entre 1998 et 2010. Et hyper sélectif. Il aurait refusé le rôle principal dans Philadelphia, dans Le patient anglais et celui du héros Tolkiem dans la trilogie Le Seigneur des annaux. Il a même failli décliner celui d’Abraham Lincoln…
C’est donc l’acharnement obsessionnel au travail et le souci de ressemblance confinant au délire de sosie que Hollywood vient de récompenser une nouvelle fois. Comme avait été saluée par un Oscar d’interprétation la performance à nos yeux avant tout physique de Marion Cotillard dans Piaf. On peut n’être pas sensible à l’exercice de pure réincarnation, préférant le jeu personnel de l’acteur à la recherche systématique de la contrefaçon. Etre ou ne pas être…, le comble pour un comédien qui intégra la Royal Shakespeare Company pour jouer Roméo et Juliette !
Pour parler du film de Spielberg, Lincoln décortique (avec quelques longueurs) la méthode à laquelle s’est livré le Républicain Abraham Lincoln pour arracher les voix de ses adversaires Démocrates (antiabolitionnistes, eh oui…) et faire adopter le célèbre amendement n°13 à la Constitution des Etats Unis qui mit fin à l’esclavage. De source sûre, on réalise qu’il est allé bien au-delà des simples magouilles, manœuvres et autres prévarications habituelles. Jusqu’au mensonge d’Etat (sur les tractations en cours pour solder la guerre de Sécession).
Vérité au-delà de l’Atlantique, vérité en-deçà ? Un récent téléfilm avec Nathalie Baye (Les hommes de l’ombre) scénarisait lui aussi un mensonge d’Etat à l’origine de l’élection d’une femme à la Présidence de la République française. Ne me faites pas dire que femme, esclave, même combat…
Le treizième amendement abolit peut-être l’esclavage mais pas l’apartheid. Près d’un siècle a passé, Malcom X ou Martin Luther King aussi, des petits combats et grandes luttes et combien de morts? Des Angela Davis et combien de vies fichues avant que madame Obama annonce le non du vainqueur des Oscar depuis la Maison blanche.
Bien sûr il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ni Lincoln avec sa baignoire, mais il ne faut pas oublier aussi que les massacres des indiens continuaient, qu’une dizaine d’années plus tard il y aura une de leur dernière vistoire , celle de Little Big Horn où les Sioux massacrèrent les armées de Custer…
Tout à fait d’accord sur le commentaire et la mise en perspective de Bruno !
Mais le film est-il bon?
Je suis partagée. Performance de l’acteur n’est pas élan du spectateur…