Le grand frisson, les eaux troubles… C’est Hitchcock. Mieux que tout autre cinéaste, il brouille les pistes, vous fait perdre toute notion du réel et de l’irréel, crée scène après scène un climat anxiogène. Confortablement assis dans votre cinéma de quartier, il réussit à vous embarquer, malgré vous, et à vous faire ressentir dans tout le corps, une tension qui va crescendo.
Je me suis rendue hésitante à la projection en avant-première du film Hitchcock, réalisé par Sacha Gervasi, en salle depuis le 6 février. Avec les mêmes réserves que pour aller voir Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar : comment s’attaquer à ces pointures, comment oser…
Dès les premières images du film, j’ai eu du mal à accepter qu’Anthony Hopkins, un acteur pourtant formidable -qui a interprété à plusieurs reprises des personnages emblématiques (Nixon, Picasso ou Hitler) – se glisse dans la peau de ce cinéaste hors-norme. Mais l’intérêt de ce long métrage est ailleurs. Il n’a pas l’ambition de décortiquer les ficelles de ce maître du suspens ou de nous donner une leçon de cinéma, mais bien de mettre en avant des aspects moins connus de la vie d’Hitchcock.
A soixante ans, il se voit refuser par la Paramount le financement de son film Psycho – censuré pour ses scènes crues de violence bestiale- mais il s’entête et décide de le financer lui-même, de prendre des risques, comme au début de sa carrière…
Dans cette aventure, il est soutenu par sa femme – Alma Reville – délicieusement interprétée par Helen Mirren, Oscar de la meilleure actrice, en 2007, pour The Queen. Leur relation est décrite, avec ses excès, ses dérives… Elle illustre bien les difficultés de vivre avec ce génie résolument tourné sur lui-même, prenant toute la place. Un homme imparfait, avec ses doutes, ses failles, ses manies, sa fascination pour les jeunes actrices…
La sublime et pétillante Scarlett Johansson incarne avec une extrême justesse, le personnage de Janet Leigh qui se fait tuer au bout d’une demi-heure dans le film Psycho. Cette scène sous la douche – qui ne dévoile aucune partie tabou du corps de la femme mais seulement les mains, les épaules et la tête- est effroyablement bien filmée.
A elle seule, elle résume le talent d’Hitchcock, qui raconte, dans le délicieux ouvrage Hitchcock Truffaut (éditions Définitive) : « c’est la scène la plus violente du film et ensuite, au fur et à mesure que le film avance, il y a de moins en moins de violence, car le souvenir de ce premier meurtre suffit à rendre angoissants les moments de suspense qui viendront plus tard ».
Il n’était qu’un « homme caché derrière la caméra« . Et derrière la caméra de cachée de Sacha Gervasi, Hitchcock fascine toujours.
Voir la bande annonce sur Allociné.
La scène de la douche en quelques chiffres:
Durée totale 45 secondes, mais 7 jours de tournage et 70 plans! Et bien qu’aucun de ces plans ne révèlent le corps de Janet Leigh, un modèle la doubla!
Quand on vous cause qu’elle est historique cette scène!