Le dimanche 3 février 1918, le rédacteur en chef du récent quotidien Excelsior, méditait en bras de chemise cette phrase de Napoléon : « Le plus court croquis m’en dit plus long qu’un long rapport ». La nuit précédente ayant compté pas moins de douze raids de l’aviation allemande sur Londres, il appela son équipe rapprochée et leur fit part de sa décision. Toute la couverture du journal serait consacrée le lendemain aux raids aériens, amis et ennemis depuis 12 mois.
Il voulait une couverture qui fasse date de façon à mettre le lundi matin, toute la concurrence au tapis. Il alla taper sur l’épaule d’un de ses collaborateurs connu pour gribouiller en permanence sur n’importe quel bout de papier et lui dit en substance « toi qui est si fort, tu vas nous être utile en dessinant plein d’avions ».
Et pour le numéro 2638 de sa 9e année d’existence, Excelsior allait effectivement faire fort en arborant, dès l’aube, une couverture spectaculaire faisant état, tableau à l’appui, des raids d’avions allemands sur Londres depuis le début de l’année 1917 avec les horaires, les tués, les blessés et les « avions descendus », sans compter les raids d’aéronefs allemands sur Paris qui firent 206 blessés rien que pour la journée du 30 janvier.
Les bombardements sur l’Angleterre étaient néanmoins les plus nombreux et les plus dévastateurs avec 1480 victimes tuées ou blessées de l’autre côté de la Manche, le plus souvent à partir de zeppelins. La couverture d’Excelsior présentait en outre sur toute sa largeur deux frises en contre-jour évoquant les deux capitales française et britannique.
Ainsi allait la presse française en ces temps-là, l’une des premières du monde en volume avec les journaux américains. Pour dix centimes, le lecteur avait sur 4 pages son lot de bonnes et mauvaises nouvelles, des plus tragiques dues à la guerre aux plus ordinaires comme le résultat du « prix d’encouragement » au vélodrome d’hiver emporté respectivement par Le Bars, Polledri et Rigaud. On jouait aussi Tartuffe à la Comédie Française, Phèdre à l’Odéon et le « Domino noir » à la Gaieté Lyrique.
La vie culturelle n’était pas absente des préoccupations du gouvernement de l’époque, lequel, vu la tournure des événements s’était décidé à protéger, notamment par des sacs de sable, les monuments nationaux.
Les quatre pages d’Excelsior étaient vite remplies et pour l’édition du 4 février on ne retint qu’un fait d’hiver, une explosion mortelle à Moulins, on maintint l’épisode du feuilletonniste Sheridan avec son conte, « L’enveloppe grise », tout comme le bloc-notes de dernière page signé « Le veilleur ».
Les quelques encarts publicitaires achevaient l’occupation de la surface imprimée et il était entendu que les carburateurs Zenith étaient de fameux auxiliaires, « plus encore en temps de paix qu’en temps de guerre » et aussi que la Maison Appert, sise rue de la Mare dans le 20e arrondissement continuerait de fournir aux soldats engagés sur le front ses « petits pois à la villageoise » et ses « véritables » asperges d’Argenteuil qui se mariaient sans doute fort bien avec le gaz moutarde.
Quelle chute !!!
Excellent +++
Merci cher ami lecteur. PHB