Sachant qu’un chef d’œuvre implique une idée de réussite, de perfection, on pouvait beaucoup attendre de l’exposition actuellement proposée par la BnF sur le site Mitterrand. « Cent chefs-d’œuvre de la photographie » est le titre qui a été retenu afin sans doute de motiver un peu les foules. L’affiche comporte en sus un beau buste nu signé Man Ray. Mais un titre c’est aussi une promesse et la promesse n’est pas tenue loin s’en faut.
Si l’exposition ne tient pas sa promesse c’est seulement en raison de son titre. Il s’agit en réalité de 100 clichés, souvent remarquables, étagés sur 150 années environ, c’est à dire des débuts de la photographie jusqu’à 1987. Sachant que la BnF est présentée comme la détentrice de la plus importante collection de photographies au monde, cette sorte de rétrospective, intéressante disons-le enfin, partait sous les meilleures auspices. Mais elle tient une autre promesse que l’on peut toujours tenter de définir parce qu’elle n’est pas formulée.
Selon Sylvie Aubenas, la co-commissaire de l’exposition qui s’exprimait il y a peu dans la revue de la BnF, la proposition « consiste à tenter en filigrane une définition de ce que peut être un chef-d’œuvre dans un médium aussi récent, foisonnant et divers que la photographie ». Cette exposition est certes composée de photos riches de sens et même pourrait-on dire que certaines pourraient effectivement accéder au rang de chef-d’œuvre. Mais était-ce absolument nécessaire de s’embarrasser d’une telle pression consistant à réunir cent…chefs-d’œuvre ?
Ainsi et à titre d’exemple le parcours s’achève par un petit autoportrait de Zola avec son chien. L’écrivain est à Médan et son chien est près de lui. Cette photo est touchante et intéressante parce que c’est Zola et aussi parce qu’elle est ancienne. De là à la ranger parmi les cents chefs-d’œuvre de la photographie de la BnF, l’intégration est abusive. Le statut de photo remarquable, ce qui est son cas, est déjà bien honorable.
Pour profiter ce cette exposition il faut donc chasser l’idée que l’on va voir cent chefs-d’œuvre d’une part et, d’autre part, ne pas espérer que l’on verra d’autres tirages de Man Ray comme l’affiche pourrait le faire croire, car il n’y a dans cette scénographie qu’une seule photo par auteur. En revanche et bien que ce ne soit pas le propos ni la volonté des organisateurs, on est bien là en face d’un aperçu panoramique et tout à fait instructif de la photographie sur un siècle et demi.
La politique de collecte et de conservation des photos de la BnF est enviable. Rien que sa collection de photos contemporaines se monte à 250.000 épreuves représentant 6000 photographes. Ce travail de mémoire, ajouté à celui de l’écrit, est une richesse bien davantage précieuse que nos éventuelles ressources en gaz de schiste. Les technologies d’aujourd’hui font de surcroît que l’on ne peut pas qualifier d’insondables les ressources de la BnF. Tout comme les livres, des milliers d’images sont consultables en ligne. Nul besoin de fracturation hydraulique, nul risque de polluer les nappes phréatiques pour en profiter sans réserves. Cette expo de photos est recommandable, attendez-vous à de bonnes surprises, mais oubliez le titre.