La noce danse et chante. Elle presse le pas dans la foulée de Fadinard, qui se marie aujourd’hui. D’une étape à l’autre de cette folle cavalcade, de la boutique de la modiste (une prétendante oubliée !) au salon de la baronne de Champigny (une admiratrice trompée !), nul n’a le temps de reprendre son souffle, pas même le public du Théâtre Ephémère de la Comédie-Française, à qui on présente un décoiffant Chapeau de Paille d’Italie.
Le rythme qu’impriment à la pièce d’Eugène Labiche la mise en scène et l’interprétation est haletant en effet, et c’est tant mieux. On rit sans y penser, quelle bonne soirée ! De quiproquos en gags visuels, sur fond de dénonciation faussement légère mais réellement intemporelle des travers humains (le bourgeois en prend pour son grade !), le spectateur est littéralement emporté par l’enthousiasme de la troupe, impeccable comme de coutume. Le jeune Pierre Niney en Fadinard joue à merveille ce promis perdu, qui bien que remuant ciel et terre concède toujours un temps de retard. Le comédien court et saute sans cesse à la poursuite de ce fameux chapeau. Principal obstacle sur son chemin, son futur beau-père, le pépiniériste Nonancourt.
Pour incarner ce boulet, la Comédie-Française sort l’artillerie lourde, en la personne de Christian Hecq. Je rabâche mais on se souviendra immanquablement ici du comédien campant récemment Bouzin dans Un fil à la Patte de Georges Feydeau (illustre successeur d’Eugène Labiche dans l’art du vaudeville). Christian Hecq nous fait le même numéro, un numéro qui à lui seul vaut le détour, tout en contorsions, en mimiques, en déclamations piquantes.
Le metteur en scène Giorgio Barberio Corsetti a placé l’action dans les années 70, mises en lumière par le décor psychédélique de la modiste et surtout par les pattes d’éph’ ou les santiags des comédiens. Un choix cohérent avec celui de la mise en avant de la musique, sur la scène même, sous la houlette du fantasque Hervé Legeay, entre rock, manouche et fanfare.
Cerise sur le gâteau, ce Chapeau de paille représente l’avant-dernière occasion de se rendre au Théâtre Ephémère, luxueux remplaçant de l’historique Salle Richelieu voisine. Cette dernière accueillera de nouveau le public après travaux dès le 26 janvier avec Troïlus et Cressida de William Shakespeare, mis en scène par Eric Ruf, le Théâtre Ephémère mettant la clé sous la porte à l’issue des représentations (du 14 janvier au 25 février) du Malade Imaginaire mis en scène par Claude Stratz. Aimable clin d’œil, cette pièce étant la dernière écrite et jouée par Molière. Gageons que le fameux fauteuil du dramaturge sur scène aura retrouvé sa place dans les coursives de la Salle Richelieu rutilante.
Entrez dans la danse, jusqu’au 7 janvier