C’est un livre d’art bâti comme un annuaire. Cent quatre vingt artistes y sont répertoriés avec un petit texte d’auto présentation anglais/français et, la plupart du temps, il y a même un mail qui permet de les joindre. Mais disons le d’emblée, il est bien plus intéressant à parcourir que le bottin des abonnés au téléphone.Sortir des sentiers battus, car cela semble être la démarche centrale de tous ces artistes, c’est un peu chercher la difficulté et prendre le risque trop souvent concrétisé de se retrouver dans une ornière. «Le portrait dans l’art contemporain» qui vient de sortir aux Editions Patou offre (pour 49 euros) une occasion de se faire une idée de la production contemporaine quelque peu pléthorique, mais avec un angle d’attaque qui permet de limiter l’ambition de ce travail de recension à un seul volume.
Comme le signale un des artistes de cette nomenclature, il faut y aller avec l’idée de se faire arrêter par l’œuvre et non pas de s’arrêter à chacune dans une démarche qui serait celle d’un entomologiste ou d’un inspecteur du fisc tatillon.
A feuilleter l’ensemble de prime abord, on est frappé par une impression globale de morbidité dans l’exécution du portrait, happé, mis presque mal à l’aise, face à ce catalogue de visages torturés par des angoisses diverses.
Mais justement, les œuvres qui échappent à cette règle un peu générale, sont celles qui arrêtent le regard. On peut ainsi ralentir sur Bouro dont le « M.ü#2 », s’il n’est pas des plus réconfortants et s’il s’inscrit bien dans la lignée inquiétante des portraits modernes, frappe néanmoins par l’originalité de son traité comme de son rendu.
Entre photographie et peinture, Isabelle de Luca restitue le bonheur de l’enfance à la plage sans aucune prétention géniale. Sa seule motivation qui semble être de plaire, convainc par sa délicatesse et une certaine fraîcheur qui contrastent là encore avec beaucoup de ses voisins d’annuaire qui se complaisent dans le style zombie dépressif égocentrique et vindicatif.
On pourra également marquer un temps d’arrêt devant le « Stanislav Marijanovic » de Pablo Flaiszman (ci-dessus), qui allie force et subtilité pour déboucher au final sur un autre genre «d’énoncé plastique» comme le mentionne à juste titre sa notice. Un vrai boulot qui n’est pas sans évoquer l’ambiance des encres de Victor Hugo.
On aimera beaucoup, certainement, le travail d’Ambre Foulquier qui délivre une grande richesse de couleurs avec des portraits singulièrement accaparants, peut-être façonnés dans le creuset de sa culture hip hop. La peinture impulsive de cette autodidacte née en 1971 dégage une vibration vraiment particulière à défaut d’être amicale. Impossible de s’ennuyer devant son « Badou », à la fois totémique, africain, guerrier, saturé de couleurs, exubérant, flamboyant enfin.
Parmi ceux qui séduisent, il faudra compter avec Marie Aimer et ses peintures mêlant plusieurs univers tout comme Ody Saban. Devant leur travail on ne s’arrête pas mais l’on s’attarde, tellement différents scénarii se mélangent et se chevauchent avec pour seule limite la surface peinte.
C’est souvent le travail féminin qui interpelle dans cet annuaire alphabétique comme celui, photographique, de Aude Guirauden ou encore l’œuvre à séquences de Sophie Sainrapt, avec sa femme des années vingt qui s’évanouit progressivement par effet de dissolution. Pas mal.
Ce livre fonctionne comme un salon, sans la foule et ces si nombreux artistes qui attendent tout à la fois assis depuis leur stand, le chaland et la chance d’un décollage vers le succès. On y trouve de la prétention et de l’égocentrisme à foison mais aussi pas mal de sincérité et de talent, en commençant par la lettre « A » et en s’arrêtant à la lettre « W » signé par le travail troublant de Mary A. Waters, qui allie modernité et classicisme, page 370. Les places X, Y, Z restent vacantes, l’annuaire n’a pas pu faire le plein.
Sympa. Très bonne idée de cadeau. Je recherche désespérément le nom d’un artiste français qui ne fait (ou bien faisait) que des auto-portraits. J’avais acheté un de ses portraits en Abidjan il y a quelques années mais la signature doit être cachée par l’encadrement. Il sera peut-être dans ce livre…