Sous le sable des Métallos, le Soudan

On devine une sorte de trou dans le cadavre desséché de l’animal. Soit il s’agit de la trace d’un charognard venu se tailler directement dans le cadavre un steak circulaire, soit un autre animal s’étant ménagé une sortie de terrier passant par le corps du défunt, soit la trace d’un missile mais là c’est très peu probable. Des très nombreuses photos de Claude Iverné sur le Soudan à la Maison des Métallos, les bestioles mortes dont il ne reste pratiquement plus que l’empreinte sur le sol ne sont qu’un des volets de son travail tout simplement classé par genre. Cette expo gagne en simplicité ce que le propos scénographique aurait pu lui faire perdre.

C’est un des travers de notre époque que de « scénariser » les expositions. Un, on place les visiteurs devant les coupures de presse habituelles sur le Soudan pour préméditer un contraste des plus subtils. Deux, on les fait passer par un sas dans lesquels ils peuvent se croire, grâce à deux miroirs, dans une file d’attente soudanaise. Trois, ils débouchent ainsi conditionnés sur la grande salle aux murs tapissés des photos de Claude Iverné. On dirait une recette de cuisine mais franchement était-ce bien nécessaire.

Mnaima Adjak, tribu Shenabla, nomade, Kordofan Nord, août 2001/Claude Iverné/Elnour

Car le travail de Claude Iverné se suffit à lui-même. Il est documentaire. Ses clichés sont ceux d’un explorateur qui ne tient pas à travestir la vérité et que pourront exploiter plus tard les géographes. Sans surprise ce Soudan a l’air sec, chaud, démuni et désertique. Le seul hiatus provient des reflets qui mangent désespérément les images. C’est la faute aux vitrages supérieurs qui font le tout de la salle. Au visiteur de trouver le bon angle qui diminuera cet agaçant défaut, c’est toute une gymnastique.

Toutes les photos sont en noir et blanc avec peu de contrastes ce qui fait qu’il y a une constante, assez esthétique au fond, de restitution diffuse des sujets, lesquels se fondent dans leur contexte. Au point par exemple que tel paysage sableux apparaît comme neigeux.

Aperçu de l’exposition de Claude Iverné. Maison des Métallos. Photo: LSDP

Nous voilà face à un Soudan extrait des sentiers battus que le photographe semble fuir. Il saisit des pyramides banales, un tube de pâte dentifrice complètement aplati dans le sable, un felouque de transport sur le Nil… On devine quelques personnages au milieu de la photo montrant la porte de Kadougki avec les Monts Nouba en arrière plan. Jamais de foule. La plupart du temps c’est un habitant seul cadré au centre d’une piste et dont le regard immobile nous interpelle. Claude Iverné a ramené de là-bas un travail cohérent et probablement sincère, sans esbroufe et sans effet facile.

La deuxième partie de cette exposition se situe à quelques minutes de la Maison des Métallos dans l’Usine Spring Court. Censée nous donner un aperçu de la photo soudanaise, elle fait un peu bâclée, le qualificatif étant charitable. On y trouvera un petit peu de tout accroché à la va vite et sans cohérence évidente. Ces photos apprend-t-on, sont issues d’un fonds documentaire fondé par Claude Iverné réunissant 20.000 épreuves. Difficile en vérité de sortir de là avec une vision concrète de la photographie soudanaise de 1885 à 2012, la période indiquée par le prospectus. Ce deuxième volet aurait mérité la même ambition que le premier. C’en est presque gênant.

Pour les informations pratiques…

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