Le style Biedermeier vous intimide ? Le chintz vous semble trop délicat à marier ? Voici quelques lignes pour anéantir vos angoisses. Jamais à court de bonnes idées, le Musée de la Vie Romantique a ouvert un show room à votre attention. L’ancienne demeure du peintre Ary Scheffer accueille en effet pour quelques mois, jusqu’au 13 janvier, l’exposition « Intérieurs romantiques ». Un véritable catalogue d’idées déco pour tout intérieur qui se respecte.
Bon, certes, pour le studio ça va être un peu juste (quoique, un guéridon ou une lampe de chevet, peut-être). Mais pour tout propriétaire d’un modeste appartement de cinq ou six pièces, voire d’un petit manoir à la campagne, quelle réserve de bons plans ! A l’étude des aquarelles présentées ici, aucun recoin de votre palais ne restera inoccupé, du petit salon au jardin d’hiver, de la bibliothèque à l’antichambre.
Tout cela par la grâce des quatre-vingt dix vues d’intérieur du XIXe siècle européen objet de la donation consentie en 2007 par le mécène Eugene Thaw au Cooper-Hewitt, National Design Museum de New York. Une collection ayant franchi l’Atlantique à la faveur de la fermeture jusqu’en 2014 du musée qui les héberge habituellement, à l’angle de la 5e Avenue et de la 91e Rue nous précise la conservatrice Gail Davidson, commissaire invitée de la présente exposition (Si vous m’invitez à New York d’ici là, vous m’accompagnerez cher lecteur pour une visite privée).
La visite nous rapproche un peu d’un lointain XIXe siècle au cours duquel l’aristocratie et la haute bourgeoisie font appel à des artistes pour « conserver le souvenir, avec profusion de détails souvent, d’aménagements où s’accumulent les objets d’art, les meubles et tous les biens matériels qui attestent la réussite sociale de leurs propriétaires ». Du « grand salon avec orgue » au dépouillé « salon de l’artiste sur le lac de Constance », nous voilà aujourd’hui plongé dans l’intimité des riches heureux de l’époque. Des amples rideaux au lustre en bronze et aux « chandelles ornées de victoires dorées », toutes les vues respectent scrupuleusement leur mission descriptive. Voyez cette demeure au Pays de Galles où « le confortable mobilier de la bibliothèque, aux sièges garnis de chintz rayé, adoucit le style néo-Tudor du plafond à caissons ». Plus loin, une datcha, où le cartouche nous confirme que « cet élégant salon est celui d’une résidence d’été. Les portes-fenêtres à la française sont coiffées de vaporeux lambrequins blancs. Le parquet compartimenté est de bois clair. Le mobilier, tapissé de toile de coton, est dans le goût Biedermeier. Le petit chien lové sur un divan ajoute une touche familiale charmante ».
Las, « après 1870, cette tradition spécifique d’aquarelles d’intérieurs (…) connaît un net déclin » sous le coup d’une autre technique de conservation des souvenirs dont le succès ne s’est pas depuis démenti : la photographie. Pour Gail Anderson, il convient bien de considérer les aquarelles et gouaches dévoilées ici comme des photographies d’un autre temps. Ces pièces de taille uniforme et modeste (40 centimètres sur 50 à la louche en moyenne) ne devaient pas être présentées aux murs mais dans des albums pour consultation familiale ou au bénéfice des invités, voire être offertes aux enfants qui un jour quittaient le cocon.
Quatre faux intrus à ne pas manquer se sont judicieusement glissés dans l’exposition, ils sont présentés dans la bâtisse principale du musée sinon dévolu à l’exposition permanente. Il s’agit d’aquarelles de Mattei Popovici peintes entre 2008 et 2012 à la manière des anciens, avec « autant de minutie que de légèreté » selon le directeur du Musée de la Vie Romantique, Daniel Marchesseau. L’artiste est là, qui nous explique que ces aquarelles font partie d’un projet toujours en cours initié par la famille Rothschild. Une vue représente le Salon George Sand du musée de la rue Chaptal, les trois autres figurent l’Hôtel Lambert, sur l’Ile Saint-Louis. Mattei Popovici, aujourd’hui à l’aide de dessins antérieurs, de photographies et de souvenirs, perpétue ainsi la tradition mise en valeur par l’exposition en cours, puisque ses commanditaires souhaitent conserver le souvenir de leur ancienne demeure. L’hôtel a été vendu en 2007 à l’Emir du Qatar.
Cela me donne quelques idées, effectivement, pour redécorer l’openspace où je travaille. Merci cher ami. PHB
N’oublie pas la bande son : les portes qui grincent, le plancher qui couine, les fenêtres qui hululent, les horloges qui tic, qui tac et qui sonnent enfin, les verres du vaisselier qui tintinnabulent à l’heure du porto, les tasses de thé qui chantent élégamment. Un chat passe d’un pas feutré, une plume qui martèle le bord d’un encrier.