Si vous voulez vivre, à Londres et en live, un léger frisson issu de l’univers des films de David Lynch, laissez-vous tenter par le Double R Club. Il tient son nom du fameux club du film Twin Peaks dont tout spectateur se souviendra des scènes plutôt “naughty”. A Londres, c’est un Double R Club agrémenté de burlesque et d’extravagance britannique que l’on retrouve tous les mois au Working Men’s Club de Bethnal Green, dans l’East End branché.
En démarrant haut et fort par une chanson de Bauhaus, groupe obscur anglais de cold-wave des années 80, le maître de cérémonie Benjamin Louche met dans l’ambiance et se fait visiblement plaisir en poussant sa chansonnette. Puis il présente le premier numéro, celui de Myra Dubois, travesti du Yorkshire. Auntie Myra se part de son nez de clown pour quelques tours de magie, après avoir avoué -on n’en croit pas un mot- qu’elle n’avait vu aucun film du maître David Lynch. La vilaine ! Elle insiste sur le fait qu’elle est libre pour animer les anniversaires de nos petiots… C’est drôle et ça rit dans la salle…
Les numéros s’enchaînent : on tape du pied au rythme des claquettes de Josephine Shaker, on fait du hula-hoop avec Miss Emerald City, qui nous gratifie d’un numéro sensationnel -il faut le dire-, mais on a mal pour Trixie Tassels qui exhibe ses têtons barrés de piercings et se couvre tout le visage de rouge à lèvres avec des gestes et des contorsions de mal-être qu’on ne lui envie pas. Beaucoup de strip-teases déguisés en numéros de burlesque finalement… Où est la limite entre un numéro de strip-teaseuse et un numéro d’artiste ? Et pourquoi pas les hommes ? Les seuls qui dévoilent un brin de chair sont des travestis, qui se cachent derrière des tonnes de maquillage et de bas-résilles…
Une chose est sûre : le burlesque est devenu ces dernières années un tel phénomène de mode outre-Manche que le style se décline à toutes les sauces. En l’espèce, la sauce «lynchienne» ajoute à merveille au goût subversif du burlesque mais finalement, rien de bien progressiste dans ce show, un public “very trendy”, affecté du syndrome “this is the place to be” et absolument pas critique devant un étalage de femmes qui ne semblent pas pouvoir faire un numéro sans se dévêtir…
Mais retour sur scène : un personnage vaut enfin vraiment le détour et pourrait sortir tout droit d’une version gay de Twin Peaks : un travesti canadien déguisé en Laura Palmer, en juste au corps, chaussé de talons hauts bleu électriques à strass façon drag queen, et couvert d’une bâche en plastique transparent -pour ceux qui n’ont pas vu Twin Peaks, c’est noyée et toute bleue dans un sac en plastique qui finit la pauvre Laura Palmer- remporte le premier prix du meilleur déguisement. Suit l’élection de miss Twin Peaks, une certaine miss Amelia pour son numéro intitulé avec beaucoup de recherche “Mulholland Drive” dans lequel, bien sûr, elle procède à un déshabillage rythmé.
Benjamin Louche clôt la soirée en refermant les rideaux de velours de Blue Velvet sur le grand coeur rouge bardé d’ampoules. On aimerait que David Lynch sorte de la porte de secours et, assisté du travesti en Laura Palmer, secoue un peu tout ce beau monde, avec une bonne dose de vrai trash et de décadence…
Ce que font ces artistes est très proche de ce que nous faisons dans la vie. PHB
Ce texte est effectivement un bon reflet de nos existences