Cynthia. Cynthia Ann Parker… Comment n’être pas être fasciné par l’histoire vraie de cette squaw aux yeux incroyablement bleus ? La guerre de Sécession vient de s’achever en Amérique. On est en 1836 à Fort Parker, un ranch situé à « la frontière », cette ligne qui marque la limite d’implantation des colons européens partis à la conquête de l’Ouest. Capturée par une tribu indienne à l’âge de neuf ans dans des circonstances d’une insoutenable férocité, Cynthia devenue adulte épouse le chef de la tribu et lui donne trois enfants dont Quanah Parker, le dernier grand chef Comanche.
Retrouvée des années plus tard par les Texas Rangers, Cynthia choisira de rester au sein de sa famille indienne… Un syndrome de Stockholm avant l’heure qui inspira écrivains et cinéastes. On lui doit « La prisonnière du désert », le long métrage que John Ford tira du livre d’Alan Le May, voire « Danse avec les loups », le film où Kevin Costner met en scène une femme blanche recueillie au sein d’un foyer Sioux et répondant au nom de « Dressée avec le poing »… Un programme pour qui sait le rude quotidien de la femme indienne !
Car si la vie de Quanah Parker, l’Astérix US des Grandes Plaines du sud, sert de fil conducteur au copieux ouvrage de l’américain SC Gwynne sur la fin des guerres indiennes, la vraie héroïne du livre c’est Cynthia sa mère. A travers le rocambolesque du récit, on mesure la place qu’occupaient les squaws dans la tribu quand leurs belliqueux époux partaient à la chasse ou menaient de sanglantes batailles. Outre avoir leurs marmots sur leur dos (au propre bien sûr), il leur incombait de tirer le meilleur du bison pour assurer la survie du groupe. Tondre la laine pour en faire des vêtements, tanner le cuir pour couvrir mocassins et tipis, utiliser les bouses pour se chauffer et surtout parer et conserver la viande aux fins de nourrir la tribu. La squaw était le point fixe de ces hordes soumises au bon vouloir du climat et au diktat alimentaire des troupeaux. Protégeant au besoin leur foyer quand il se trouvait menacé en livrant combat à son tour… Quanah rendra d’ailleurs hommage à sa mère à la fin de sa vie en se ruinant pour ramener son corps et lui offrir une sépulture digne.
« L’empire de la lune d’été » ne dépeint pas de gentils indiens. Les Comanches sont cruels et crasseux, experts en l’art d’écraser les poux sous leurs dents. On espère que ce n’est pas la raison de l’immense succès du livre aux Etats-Unis. Qu’on ne se méprenne pas, l’ouvrage (près de 400 pages) n’est pas un roman. Décliné en longs chapitres documentés, il s’apparente plutôt à un précis ou un traité sur l’ascension, la domination et la fin des Comanches. Les batailles y sont décrites avec une minutie d’état-major, localisées avec une précision de cartographe dans ces immenses étendues où se situent aujourd’hui le Texas, l’Oklahoma et le Nouveau Mexique. Morts et enlèvements se succèdent, répertoriés avec une méthodologie comptable. L’ouvrage n’en est pas moins passionnant lorsqu’il décrit l’époustouflante maitrise de leurs mustangs par ces farouches centaures, quand il explique le rôle décisif qu’eut l’invention du colt sur l’issue du conflit, quand il s’indigne qu’un Custer soit plus avantageusement passé à la postérité qu’un Mackenzie… On peine à réaliser qu’il s’agit d’un passé récent tant ces événements nous paraissent à des années lumière de la civilisation actuelle.
D’une lecture rendue facile et globalement objectif, « L’empire de la lune d’été » fait revivre la reddition des dernières tribus indiennes quand les chasseurs de bisons s’attaquèrent à leur garde-manger. Ce n’est ni la maladie, ni l’eau de feu (fut-elle à l’herbe de bison), ni les luttes intestines auxquelles se livrèrent les Indiens des grandes plaines qui les conduisirent à la dépendance. Ce fut l’anéantissement méthodique de leurs troupeaux de bêtes à cornes. Entre 1868 et 1881, plus de 30 millions de bisons furent abattus, soit jusqu’à 250 par jour et par chasseur !
Bandes dessinées et westerns ont sur le sujet fourni leur lot d’images. Publié chez Albin Michel, « L’empire de la lune d’été » met ces illustrations en perspective et leur confère leur sens historique.
Voir aussi La Captive aux yeux clairs, de H. Hawks…
Merci, il n’y a pas beaucoup de livres sur la vie des indiens qui nous arrivent en France.
Michener en parle dans Colorado. Je crois que c’est là que j’ai lu que la femme indienne était abandonnée par sa tribu à la mort de son homme.