Une cicatrice profonde barre le ventre de Marilyn Monroe. Nous sommes en 1962. On lui a enlevé la vésicule biliaire il y a à peine un mois. La star s’en inquiète auprès du photographe Bert Stern qui la rassure en lui disant que s’il le faut on fera des retouches. Mais sur l’affiche de l’exposition qui se tient jusqu’au 28 octobre à l’atelier de Maillol à Banyuls dans les Pyrénées Orientales, la cicatrice est restée, presque trop visible, comme si elle avait été retouchée à l’envers.
C’est en 2006 au musée Maillol rue de Grenelle à Paris qu’avait eu lieu cet accrochage des photos de Marilyn Monroe prises en 1962 par Bert Stern «le chasseur d’icônes» pour le compte de Vogue. Cinquante ans après la mort de l’actrice, le 5 août 1962, la réapparition de cette «dernière séance» dans ce qui fut l’atelier de Maillol, invite au détour.
Le catalogue de l’exposition édité en 2006 évoque l’ambiance hautement sensuelle de ces prises de vues effectuées dans une suite de l’hôtel Bel-Air à Los Angeles. Bert Stern l’attend cinq heures. Elle accepte de poser nue. Il la photographie douze heures d’affilée, réalisant 2571 clichés. Un huis clos à part qui fait prononcer à Bert Stern ces propos édifiants : «Debout à côté du lit, je la regarde. Elle est si près que je sens la chaleur de sa peau. J’hésite entre la photographier et la prendre dans mes bras. Depuis l’âge de treize ans, je rêve d’une femme qui roulerait sur le lit avec moi et ferait tout ce que je veux. Je l’ai trouvée. Elle est vulnérable, ivre, délicate, troublante et attirante. Mais j’ai l’appareil photo dans les mains et de l’alcool dans le sang.»
Le photographe américain nous immisce avec lui dans cette suite de l’hôtel Bel-Air, mais on ne voit naturellement que Marilyn Monroe dont seul le sourire suggère qu’il y a quelqu’un dans la pièce. Sans ce sourire, sa solitude sauterait aux yeux. Cette photo barrée d’une grande croix orange est captivante. Derrière l’objectif, elle semble stationner au-delà du miroir. Où elle se trouve désormais pour l’éternité. Ces photos exceptionnelles, les clins d’oeil à longs cils de Marilyn, continuent de nous faire signe. Comme des « clignements d’étoiles » aurait dit Apollinaire.
Seulement quelques unes de ces photos sont présentes parmi les œuvres de Maillol et dans cette petite vallée isolée derrière Banyuls sur Mer. Il a fallu leur faire de la place. Les lieux ne sont pas immenses tandis que les tirages de Bert Stern occupent une superficie notable. Ici, la sensualité des œuvres de Maillol et celle des photographies effectuées par Bert Stern s’opposent dans une concurrence aimable mais distante.
Toutes ces photos ont fini par être mises en vente chez Sotheby’s. Elles sont devenues la propriété de Leon Constantiner, un collectionneur new-yorkais.
Vallée de la Roume 66650 Banyuls sur Mer – Tél. : 04 68 88 57 11 Jusqu’au 28 octobre.
Je me rappelle de cette exposition à Paris. Marilyn y est émouvante pace que peut-être pour la première fois, elle n’est pas en représentation. Dans toutes les photos, tous les films on la sent aux aguets, ce n’est pas le photographe qui la chasse, c’est elle qui chasse le Rollei. Et justement si cette exposition Bert Stern est si forte, c’est qu’il n’y a plus d’objectif.
Regardez, la dernière photo, elle est là, simple, le sein droit peut-être plus lourd que le gauche, je ne sais pas si on voit sa cicatrice, la photo d’une femme. Une femme qu’un feutre rageur a crucifié.
Tout à fait sincèrement l’image de cette femme de son vivant et… au delà, m’ennuie profondément. Sa vie pour ce que j’en sais, d’actrice et de courtisane ne présente aucun intérêt si ce n’est de faire, semble t’il, rêver quelques bonhommes qui n’ont pas eu la bonne(?) fortune de coucher avec cette dame… Désolé.
Tout simplement parce que la société des hommes est ainsi faite, elle rêve. Elle adore la Venus Hottentote, pleure sur Marilyn, perdrait un empire pour Cléopâtre. Curieusement l’idéal n’est pas de coucher avec. Au contraire, c’est Isis fécondant Horus sans sexe ou Marie toujours vierge. Ce qui est intéressant reste toujours le moment où tout part en vrille. Le Christ crucifié, Horus jeté en morceau dans le Nil. Pâris vouant sa cité Troie à sa mort sitôt Hélène enlevée. Ulysse perdu et jouet des Dieux… ou Marilyn rêvant de Kennedy, mais avec ses drogues, bandait il au moins ? La société des hommes peut aussi rêver de la lune, de la vie de la mort ou des confitures. Pourvu qu’elle ait un but, pas sûr que ce ne soit pas le meilleur moyen pour une chose: qu’elle nous foute la paix!
Les amis, Marilyn est loin d’être une icône pour ados en rut ou messieurs en mal de câlins! Elle est d’abord une « misfit », une désaxée. Comme nous. Comme nous acteurs (et parfois comédiens) de cette « société des hommes », ainsi que tu le dis si bien, Bruno. A ce titre, elle est plus humaine que féminine. Et c’est j’en suis sûr cette humanité (aux traits et aux formes si féminines, entendu, d’accord) qui chavire.