C’est un moment de pur bonheur que procure l’American Dance Theater, la célèbre compagnie fondée en 1958 par l’afro-américain Alvin Ailey, décédé du sida en 1989. Une prestation à ne pas manquer. La compagnie ne s’est pas produite à Paris depuis 2009, à l’occasion de son cinquantième anniversaire.
Place au rythme qui démange, à l’énergie qui bouillonne, à la bonne humeur communicative. Sans temps morts, se succèdent des chorégraphies variées, réglées comme du papier à musique, une musique sur laquelle on se demande bien comment danseurs et danseuses parviennent à coller et surtout s’accorder… Où trouvent-ils leurs repères phoniques ? Quelle note précise de musique déclenche pour eux le signal qui les propulse violemment l’un vers l’autre dans d’incroyables trajectoires géométriques ? Cette déconcertante facilité ne doit son apparence qu’à de longues heures d’entraînement et de répétitions.
La plupart des ballets présentés par le nouveau directeur artistique Robert Battle sont des inédits. Alors que le répertoire de la compagnie comporte plus de 200 pièces créées par plus de 80 chorégraphes. Ainsi, trois des quatre chorégraphies au programme du 29 juin étaient des nouveautés. Et d’abord « Home », un ballet 22 minutes pour la première fois exhibé sur le Vieux continent. La scénographie de cette street-dance est sobre mais ô combien efficace. Très contemporaine, la chorégraphie mêle les genres (hip-hop, stepping, fitness…). La vingtaine de danseurs et danseuses qu’elle mobilise semble tirer son rythme de leurs seuls battements de mains.
« Vespers » (17 minutes) fait sa première apparition à Paris. On y voit deux, puis six danseuses en robe noire évoluer autour de chaises, bondissant sur scène comme venues de nulle part. La chorégraphie mêle la danse classique (sauts, battements en rafale, grands écarts) aux figures athlétiques, combinant ainsi grâce et énergie, modernisme et tradition. A chaque époustouflant tourbillon de pieds nus, les robes se muent en tutu. La vitalité fait l’empesé.
Respiration très passagère à la mi-temps avec « In/Side » (8 minutes), une prestation également présentée pour la première fois dans la capitale. La danse offre au Français de la troupe, l’ultra-marin Yannick Lebrun, l’unique solo de la soirée. La chorégraphie met en valeur la spectaculaire « physicalité » de l’artiste qui adopte des attitudes tourmentées sur une poignante reprise de Wild is the wind par Nina Simone. Un tronc et quatre membres de chair que sculpte la lumière et qu’empreint de douleur la voix de la chanteuse noire.
Pendant la pause un danseur très à l’aise dans son costume (au demeurant fort bien coupé) joue la décontraction de ses mouvements d’épaules. Un tic facétieux sur l’air de C’est magnifique… Joueur, le public hilare l’encourage en tapant dans ses mains.
Assemblage de figures issues de précédents ballets, « Minus 16 » (32 minutes) est un astucieux mixte d’enchainements chorégraphiques. Disposés en demi-cercle, les vingt danseurs et danseuses de la troupe se débarrassent peu à peu de leur veste, chapeau et chaussures. Original striptease sur fond de musique africaine. Lui succède un duo homme/femme sur un air de Vivaldi, puis on passe en mode accéléré du mambo à la techno. Il se pourrait même qu’on assiste à un tcha-tcha-tcha… Un voyage à la vitesse du son, et même de la lumière ! Pour finir, les danseurs viennent à la rencontre du public, invitant les volontaires à monter sur la scène et à improviser avec eux. On assiste alors à d’étonnantes figures mêlant danseurs profanes et artistes professionnels. Le choix des « repérés » est judicieux, les chorégraphies qui leurs sont proposées désopilantes. Sur scène ou resté dans son fauteuil, le public se régale. Le final n’a rien d’improvisé, il fait partie intégrante du spectacle.
L’Alvin Ailey American Danse Theater se produit jusqu’au 21 juillet au Théâtre du Châtelet, dans le cadre du 8ème festival des Etés de la danse.
Un avant-goût sur YouTube?
Merci Guillemette ! Le dernier spectacle était déjà énergisant : un bain rafraichissant. tu nous donnes vraiment envie d’y retourner … Bel été !