Fantasmatique, l’exposition organisée par le Musée du quai Branly autour «des maîtres du désordre», vient chatouiller nos peurs enfouies. Transposés dans nos rêves, les masques et personnages créés au cours de l’histoire par différentes cultures pour frayer plus ou moins avec les forces obscures ont de quoi nous faire réveiller en sursaut, les cheveux dressés d’effroi. Et ce vase destiné à recueillir l’urine d’un cerf que boira tout à l’heure le chamane ne nous donne pas soif mais nous arrondit le regard d’étonnement.
Une exposition qui se déroule en quatre actes (le désordre du monde, la maîtrise du désordre, les voyages cosmiques et la catharsis) voilà bien programme de crâniens qui nous confirme que nous ne sommes pas au Musée Grévin mais bien au Musée du quai Branly «là où dialoguent les cultures».
En l’occurrence, il s’agit ici du dialogue des hommes avec ce qui leur échappe en partant du postulat que l’ordre n’est jamais parfait, qu’il est voué à la dégradation. En même temps c’est peut-être à partir du moment où tout se dégrade que l’on peut vraiment s’amuser mais le Musée du quai Branly ne nous éclaire pas sur ce point.
C’est une exposition réussie. Elle débute assez vite par le désordre du monde ou les organisateurs ont cru bon d’insérer une toile de Basquiat et ils ont eu raison. A cet endroit précis, elle frappe. Rapidement après, le visiteur se trouve mis en contact avec le monde des intercesseurs, soit des personnages un peu inquiétants chargés d’aller négocier avec les forces surnaturelles tout ce qui vient nous gâcher l’existence. Il leur fallait un sacré costume pour être crédibles, ils devaient pour ce faire adopter un fameux dress code en forme de passeport pour l’enfer.
Le mal est extérieur, il se trouve au-delà du miroir, voilà le fond de l’affaire et, pour y faire des allers et retours, il faut des professionnels aguerris. Ni chèque ni cartes de crédit. Car derrière tout cela, il devait bien y avoir un peu de commerce, peut ainsi cogiter le visiteur.
Parmi ces gens, nous apprend l’exposition, figurait aussi le genre bouffon chargé de désacraliser la communication avec les dieux. A ce titre nous enseigne-t-on, il pouvait par provocation ingérer des excréments. Car celui qui «consomme l’innommable peut dire l’indicible» (1), chose que l’on peut parfaitement comprendre sans pour autant être un spécialiste des sciences humaines. Il n’empêche que ces «bouffons cérémoniels» n’étaient pas là pour faire des blagues et que dans l’histoire, il pouvait s’agir de «puissants exorcistes et devins».
S’ensuit le département psychotropes des «voyages cosmiques» qui nous explique que certaines substances peuvent nous faire côtoyer les esprits ou nous faire prendre conscience de notre fondement hélicoïdal en s’écartant des sentiers habituels. Un peu comme si un ordinateur, grâce à un logiciel spécial, projetait sur son propre écran, les multiples circuits qui constituent son intelligence et ses structures. Tout ceci n’est pas autorisé par les sociétés occidentales.
La quatrième partie, intitulée «la catharsis» (comprenez par là ce qui purge jusqu’à la déflagration) s’intéresse aux événements calendaires qui viennent suspendre l’ordre ordinaire. Les organisateurs ont pour ce faire et entre autres éléments, accroché sur un mur le «concert dans l’œuf» d’après Jérôme Bosch, œuvre tout de même un peu cinglée autant que géniale, d’habitude abritée dans les murs du Palais des Beaux Arts de Lille et qui témoigne que l’auteur de la toile avait lui aussi quelques moyens de quitter les champs de conscience autorisés mais l’on ne saura jamais comment.
(1) Nous nous efforcerons de replacer cette vraie trouvaille dans une prochaine rubrique gastronomique.
Après une telle lecture, doit on saler l’ordinateur et pratiquer une danse incantatoire autour?
Ou l’anti virus suffit-il?
Gasp
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