Petit rappel des chapitres précédents (très sommaire et forcément incomplet). Nous sommes en Mésopotamie et l’info est fournie par la Genèse, à laquelle on se référera. Pour se protéger d’un nouveau déluge, les descendants de Noé décident d’ériger une tour, comparable aux ziggourats dont les ruines sont encore visibles dans l’Irak actuel. En voulant atteindre le ciel et rivaliser ainsi avec Dieu, ils finissent par indisposer ce dernier. Les hommes, qui jusqu’alors parlaient la même langue, ne parviennent plus à se comprendre. Punition divine.
Situation actuelle. Oubliant sans doute le châtiment qui avait frappé leurs ancêtres, les hommes du XXIe siècle rivalisent de vanité pour ériger la tour la plus haute du monde. Une démesure planétaire, entre Chine, Corée du Sud, Etats Unis, Emirats arabes. Plus de 800m à Dubaï, record actuel. Comparée à ces gigantismes, grand-mère tour Eiffel fait figure d’un bonsaï.
Plus que tout autre mythe, Babel a toujours suscité l’imaginaire, provoqué les délires. Fascinés par la légende, les artistes flamands du XVIe siècle s’emparent du thème. Brueghel l’Ancien laisse deux versions différentes, deux chefs-d’oeuvre, visibles à Vienne et à Rotterdam.
On comprendra donc l’intérêt de ce thème « revisité » aujourd’hui pour une exposition proposée au palais des Beaux-Arts de Lille en préambule à l’évocation des Fables du paysage flamand (à partir du 5 octobre) . Sobrement intitulée Babel, l’exposition regroupe 85 œuvres actuelles inspirées de près ou de loin par le mythe.
Un bronze de Jan Fabre L’Homme qui mesure les nuages accueille le visiteur, à l’extérieur du Musée, imposant et assez lourdaud bâtiment du XIXe siècle, faisant face à l’hôtel de Préfecture, édifice du même ordre. Il faudra traverser un gigantesque hall pour parvenir au sous-sol, longer la collection des plans-reliefs et pénétrer dans la salle où sont réunies les œuvres d’une quarantaine d’artistes contemporains, s’exprimant par la photo, le dessin et la bande dessinée, la vidéo, la peinture ou la sculpture. Dans cette dernière catégorie, on retiendra surtout la Tour de Wim Delvoye, qui a abandonné ses tatouages de cochon pour une tour en acier découpé, façon gothique flamboyant, frôlant les 5 mètres de hauteur. Non loin, on pourra rester un bon moment devant une vidéo kitchissime et rigolote du Chinois Yang Yongliang Infinite Landscape (2011). Le même Yongliang nous offre quelques intéressantes photos, où, à chaque fois, la catastrophe annoncée ou représentée est traitée de façon ludique. D’une façon générale, la photo grand format occupe une place importante : c’est sans doute que le traitement numérique autorise l’accumulation, la répétition, l’hyperbole. (Bibliothèque idéale et Versailles de Jean-François Rauzier, Mayday V d’Andreas Gursky).
Même si elle est au centre de la pièce, la tour hélicoïdale constituée de 15.000 livres de l’Allemand Jakob Gautel, censée représenter l’accumulation du savoir, ne constituera pas une réelle découverte. On pourra préférer l’impressionnante évocation de la shoah des Anglais Jake et Dinos Chapman No Woman, No Cry ou encore l’astucieuse termitière du Britannique John Isaacs The Architecture of Aspiration.
S’adressant au public le plus large (les enfants adoreront !), l’exposition est sans doute promise à un beau succès. On pourra s’attarder sur telle ou telle œuvre, à la recherche de quelques détails échappant au premier regard, comme on le fait devant un Brueghel. Mais le visiteur pourra aussi éprouver une étrange sensation de frustration. Babel, c’est le gigantisme, la démesure, la mégalomanie. Or, l’exposition est ici finalement bien sage. La folle du logis n’y est pas si folle. On y cherchera vainement le petit grain, celui-là même qui habite souvent Wim Delvoye, venu en voisin ( il est né à Verwick, Belgique flamande, à 15 km de Lille). Peut-être aussi que, pour ne pas avoir voulu privilégier telle ou telle expression artistique, l’exposition a pris le risque de la confusion des genres et des langages. Ce qui est somme toute la symbolique même de la tour de Babel.
Palais de Beaux Arts de Lille, jusqu’au 14 janvier 2013
Je ne comprends rien à la Bible, la Tour de Babel en est un exemple.
On y conte donc que les hommes voulurent faire œuvre commune, etc.
Et voilà t’y bien que Dieu les expédie aux quatre coins du monde, ne parlant plus la même langue et condamnés à se faire la guerre.
Je suis désolé, je ne comprends rien !
Et en plus je n’arrive pas à avoir Dieu en ligne, la dernière fois, j’avais vaguement compris qu’il fallait que je boute les Anglais hors de France. Bon là j’ai boycotté le jubilé et je n’irai pas au JO.
Je dois y aller, les hommes en blancs m’emmènent voir « Seul le ciel peut attendre » de Ernst Lubitsch.
Après j’irai bien à Lille.
Tres belle expo
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A voir prochainement donc