Depuis quelques années, la Terre a disparu du vocabulaire. La Terre, bien connue des lecteurs de Jules Vernes ou d’Hergé, est devenue «la planète» à la suite d’un incroyable glissement nombriliste, d’une dérive ego-cosmique inédite.
A tel point que le président François Hollande dans son discours d’investiture à l’Elysée a, comme tout le monde de nos jours, évoqué «la planète» et, ce faisant, tout le monde a compris qu’il s’agissait de l’astre sur lequel nous vivons. Mais dont nous avons perdu le nom.
On peut se demander si ce processus régressif va continuer et qu’il suffira bientôt de dire «le chien» pour comprendre Brutus, «l’épouse» pour désigner la belle Alice qui partage notre vie, ou bien, plus grave encore, revenir à «téléphone» pour évoquer son iPhone (Ah non là c’est trop).
Mais pour revenir à «La Terre», c’est stupéfiant de voir à quel point elle a disparu de nos écrans radars. Dans ses pages, le quotidien Le Monde (est-ce drôle d’ailleurs ce nom quand on disserte sur le sujet), a créé une rubrique «planète» où, on en conviendra, il est très rarement question de Vénus ou de Jupiter.
Et faut-il en bouffer jusqu’à l’écœurement de cette planète à l’égard de laquelle nous devons continuellement faire des «gestes» afin de la «préserver» ou la «sauver». Mais à qui s’adressent d’ailleurs ces messages ? Pas aux Terriens puisqu’ils ont disparu du langage francophone. Non ils s’adressent aux habitants de «la planète». Aux locataires de ce bel et bleu astéroïde, qui sont régulièrement priés de laisser ce lieu d’existence dans l’état où ils l’ont trouvé le tout sans date de référence utile. La justification inconsciente de cette substitution de vocabulaire se situe peut-être là, dans la mesure où il est plus aisé de culpabiliser un locataire, lequel sera toujours moins légitime qu’un propriétaire terrien doté de racines aux pieds. En attendant, La Terre nous manque.
Merci d’avoir épinglé la planète, ce plan pas net contre la Terre, on savait bien qu’il se tramait quelque chose…
Peut-être que le mot « Terre » est trop « terre à terre »…
Il nous ramène à la terre germinatrice qui nous porte, nous nourrit,
crotte nos souliers et ensevelit nos corps.
A la vanité de notre condition humaine… à l’humus,
à la poussière que nous redeviendrons…
Beaucoup des gens évoqués sont, on le voit bien, dans la lune…
Eh oui, la terre nous échappe,
et la mer direz-vous ?
Nous voilà amer à trop avoir salie,
celle que l’on croyait notre mère.
Tout se perd.
Les pieds sur terre
Et comme si Les Soirées de Paris s’appelaient « le site »…