De nos jours, si Emile Zola n’avait eu d’autres moyens pour publier son «J’accuse», il aurait dû le faire en très exactement 180 tweets. Ainsi va la presse pourrait-on se dire au sortir de la convaincante exposition organisée autour de l’histoire des journaux par la BnF. Convaincante dans le sens où la grande galerie de la Bibliothèque Mitterrand dans le 13e arrondissement se donne du coup des allures de département paléontologique. La presse papier ne compte plus ses morts mais son histoire, telle qu’organisée par la bibliothèque en charge du dépôt légal des publications jusqu’au 15 juillet, nous étreint.
Peu de gens le savent et sur ce point, sauf erreur, cette exposition ne renseigne pas le visiteur, la presse française était à la fin du 19e siècle, avec 80 quotidiens nationaux et 180 quotidiens régionaux, la première au monde, sans doute à égalité avec les Etats-Unis. Sa décadence est venue lentement avec la multiplication des moyens d’information dont Internet est pour l’instant le dernier avatar.
Allez-y ! Cette fresque organisée par la BnF vaut bien Lascaux. Mais comme il s’agit surtout du 20e siècle, on a conservé quelques courtes vidéos de l’homme de papier. Ainsi cette séquence introduisant le visiteur au milieu d’une conférence de rédaction du quotidien la Croix, Roger Thérond jeune et feu directeur de Paris Match expliquant à ses journalistes avec quelle méthode le magazine américain Look remplit ses pages ou encore le regretté Serge July (que l’on n’entend plus qu’à RTL désormais) détaillant l’idée originelle de Sartre sur le langage écrit pour lancer Libération.
Un jour, lorsqu’il sera dépassé, l’iPhone intégrera ce genre de Panthéon des différents matériels utilisés par les journalistes pour couvrir l’actualité. En attendant, voici un bélinographe qui permettait de transmettre une photo à distance, voilà un appareil photo avec son flash si gros que le tout ne tiendrait pas dans une boîte à chaussures et surtout des journaux, beaucoup de journaux dont quatre dépliés et assemblés suffiraient à faire une nappe de pique-nique. Leur superficie, voilà ce qu’Internet ne peut pas leur enlever et qui contribue à faire que la lecture de Courrier International par exemple, est un plaisir non transposable sur écran.
Du papier, voilà ce qu’il fallait, avec des rotatives pour l’imprimer, des rotativistes justement, des linotypistes, des ficeleurs, des correcteurs, des secrétaires de rédaction, des journalistes avec leur hiérarchie, des livreurs à vélo et des marchands de journaux tout au bout de la chaîne. Cette exposition trace avec précision comment fonctionne un journal (oui on peut encore utiliser le présent) depuis une information quelconque jusqu’au moment où le lecteur peut la lire, attablé à la terrasse d’un café. Une organisation qui nécessitait de multiples corps de métiers. La scénographie de la BnF fait preuve de pédagogie par l’exemple et c’est tant mieux pour le visiteur qui souvent ne connaît que le produit fini.
«La Presse à la Une, de la gazette à Internet», voilà comment ses concepteurs ont baptisé ce parcours historique. Assez logiquement, c’est Internet (et son i majuscule que n’ont jamais eu le mot presse ou encore radio et télévision) qui l’achève. Piteusement du reste car il n’y pas grand chose à montrer. Et ce n’est pas grave car il s’agit ici d’abord de l‘histoire de la presse papier et non l’histoire de l’information même si la confusion se fait naturellement.
Il faut aller voir cette exposition intéressante sans s’encombrer de nostalgie. L’information n’est pas constituée par son support, peu importe la façon dont elle se transmet (1). Internet s’est installé dans le paysage sans provoquer jusqu’à présent l’hécatombe promise. Il est toujours plaisant de lire son journal à l’ombre du mûrier blanc du jardin du Luxembourg sans craindre une coupure réseau, sans qu’un signal ne vous alerte sur le niveau de votre batterie ou qu’un vilain « pop up » ne vous saute au visage en plein milieu d’une brillante analyse sur la situation internationale.
Post-scriptum : il se trouve que la BnF s’est associée avec 7 institutions installées comme elle dans le 13e arrondissement, pour une opération portes ouvertes (La semaine du nouveau quartier latin) qui permettra à ceux que cela intéresse de découvrir l’université René Diderot (Les Grands Moulins), la fondation Maison des sciences de l’homme, la Bibliothèque univesitaire des langues et civilisations ou encore l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Marne. L’opération se déroule du 21 mai au 3 juin. Renseignements. www.nql13.fr
(1) C’est bien grâce à Internet du reste que Les Soirées de Paris ont pu reparaître et toiser aujourd’hui les 100 années d’existence.
De la presse d’avant, il me reste aussi le souvenir da la page bandes dessinée. Des lignes de quatre ou cinq images. Tout gamin, de retour de l’école, je me précipitais sur L’Aurore; parmi les histoires, qui me servaient de quatre heures, l’incontournable « Fantôme », un mélange de Batman et de Tarzan.
C’était l’époque où la télé n’était présente surtout comme meuble massif, napperon en prime. C’était l’époque où l’on avait le temps de lire le journal, des avis de décès aux faits divers. Tout le journal.
Ah cela rend un peu chagrin…
Chère Maryse nous nous inquiétions.