Montrer l’influence de Claude Gellée, célèbre paysagiste français du 17ème siècle, sur Turner. Tel est le but de l’exposition “Turner inspired: in the light of Claude” à la National Gallery. Même si son objectif est atteint, l’exposition révèle un Turner laborieux, répétitif, qui reproduit plus qu’il ne crée. Mais elle a aussi le mérite de nous faire découvrir la splendeur d’un artiste moins connu, Claude.
On le surnomme Claude Lorrain car c’est en Lorraine qu’il naît en 1600. Jeune pâtissier à Rome, il échange très vite les rouleaux contre les pinceaux, fait son chemin et devient au milieu du 17ème siècle l’un des peintres paysagistes européens les plus talentueux et renommés. Près de deux siècles plus tard, John Mallord William Turner suit un parcours similaire. D’origine modeste – son père avait un salon de coiffure à Covent Garden – , Turner dessine, peint, imprime et devient membre de la prestigieuse Royal Academy. Considéré comme un peintre paysagiste romantique, il est l’un des précurseurs de l’impressionnisme.
Turner bouleversé par Claude. Turner n’a pas eu besoin de beaucoup voyager pour découvrir les oeuvres de Claude. Des centaines d’entre elles faisaient déjà partie, au 19ème siècle, de plusieurs collections britanniques. En découvrant “Seaport With the Embarkation of the Queen of Sheba”, son soleil dominant dont les rayons semblent traverser le temps pour atteindre les rives jonchées de ruines aux allures gréco-romaines, Turner aurait selon un témoin, éclaté en sanglots, transporté par l’émotion, la profondeur du tableau et l’intensité de sa lumière. Une émotion intemporelle que le visiteur ressent encore aujourd’hui.
Turner reproduit, imite, adapte. Turner est inspiré. Non seulement, il peint ses propres versions de “Narcissus and Echo” et de “Tivoli on Thames” mais il commence aussi à mêler le passé au présent. Dans “Linlithgow Palace”, par exemple, le château qui domine la scène, semble tout droit sorti d’un brouillard doré de conte de fées, tandis que des hommes nus, au premier plan, se baignent dans une rivière chaude tels des éphèbes de la Grèce ancienne…
L’élève ne dépasse pas le maître. D’un bout à l’autre de l’exposition, c’est alternativement que l’on découvre une oeuvre de Claude puis celle qu’elle inspire à Turner – dont le travail inspiré de Claude lui a souvent valu le surnom de “British Claude” – . Mais la présentation pousse aux comparaisons et tourne malheureusement très vite au désavantage de Turner comme par exemple la maladresse du dessin de certains personnages de Turner qui renvoie à la beauté et à la finesse de ceux de Claude. Ou encore les arbres sombres et quasi-identiques de Turner qui lassent. Heureusement, comme une lueur au bout de la galerie, il y a la lumière, la chaleur et l’intensité des soleils de Turner manifestement hérités de Claude.
Des soleils et des atmosphères qui invitent à en voir plus. On quitte cette exposition en restant sur sa faim, sur l’envie soudaine du grand Turner romantique que l’on connaît et dont on veut redécouvrir les chefs d’oeuvre, cette fois, sous la lumière de Claude et non dans son ombre.
Turner inspired: In the Light of Claude, jusqu’au 5 juin à la National Gallery
Démonstration…lumineuse
On ne se lasse pas de leurs jeux d’eaux et de lumière…