L’adaptation scénique des Onze Mille Verges, le roman de Guillaume Apollinaire, était une gageure. S’agissant des exploits sexuels exubérants du Prince Mony Vibescu, le défi était hautement casse-gueule. Il a pourtant été relevé par Godefroy Ségal. C’est une première théâtrale depuis que le livre n’est plus frappé d’interdiction en France. Le spectacle se joue à la Maison de la Poésie et il est interdit aux moins de 18 ans. Les difficultés d’adaptation ont été habilement contournées. D’abord il n’y pas d’hommes sur scène. La pièce est jouée par quatre comédiennes (1) dont on ne peut que saluer la détermination et le talent. La détermination quand même parce qu’elles ont choisi d’y aller, qu’elles s’exhibent en tenue légère, que le jeu général est sexuellement explicite enfin et qu’elles s’y plient. Et le talent parce qu’elles servent sans réserve une adaptation qui jamais ne s’égare malgré onze mille pièges possibles. La complicité qu’elles établissent avec la salle est la bienvenue. Cette pièce n’a rien d’une épreuve.
Hormis les hommes, Godefroy Ségal a fait peu de soustractions et a multiplié les astuces scéniques. L’érotisme visuel ou guttural est présent dès les premières secondes de cette pièce qui dure une heure et demie. La débauche bien réelle, bien exprimée par des gestes non retenus avec des gros mots bien articulés, va crescendo jusqu’à l’apothéose finale qui laisse l’assistance un peu sur le chose. Une des habiletés de la mise en scène est qu’elle est suffisamment mâtinée d’humour. Samedi, quand les excès de l’histoire ne provoquaient pas des soubresauts chez les spectateurs, ne leur ouvraient pas des yeux ronds, ne les laissaient pas songeurs, dubitatifs ou interloqués, on les entendait rire de bon cœur. Le spectacle n’était pas que dans la cage (ceinte de plastique transparent notamment à cause des projections de fluides variés) dévolue à l’orgie.
Gageons qu’il ne doit pas y avoir en ce moment même à Paris, un spectacle théâtral aussi fort et aussi étonnant. Même un peu préparé, on ne s’attend pas à cet éclaboussement de jouissances diverses au propre comme au figuré. Un peu plus de cent ans après, le texte reste parfaitement osé et finalement, dans notre environnement actuel si bien jugulé, cette purge aussi incorrecte et permissive que drôle nous fait du bien. Apollinaire n’a pas été trahi.
PHB
L’Apollinaire n’a pas été trahi, l’apothéose non plus?, eh bien, cela donne plutôt envie… Reste à décider avec qui vivre ces moments un peu chose. Un conseil, cher Philippe, comme on en délivre dans les pages gastronomiques de certain news ? Avec sa psy ? sa chef de service ? Sa boulangère ?
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