«Qui vient sur la Grande muraille conquiert la bravitude» avait dérapé une fameuse candidate à l’élection présidentielle de 2007. L’impeccable Théâtre du Châtelet nous en fait aujourd’hui la démonstration, pour quelques représentations seulement. Place à «Nixon in China», un opéra créé en 1987 dont l’argument est la visite du président américain Richard Nixon en Chine en février 1972. Une visite historique, celle d’un «brave», donc, qui en souhaitant «semer la graine de la bonne volonté» aura le mérite d’adoucir la guerre froide.
Richard Nixon pourtant, et Franco Pomponi qui le campe le rend à merveille (un baryton à la voix si puissante qui joue bien la comédie, c’est assez peu fréquent pour le saluer vivement), est un gaffeur, un yankee imbécile jusqu’au bout du brushing couvé par Henry Kissinger. Il est (lui aussi) plus soucieux semble-t-il de l’impact médiatique de son voyage, pour son niveau de popularité au pays, que de paix mondiale. Dans l’autre camp, Mao Zedong affaibli fait mine lui aussi de ne s’intéresser qu’à la philosophie, laissant la chose politique entre les mains du Premier ministre Zhou Enlai.
Mais la raison d’Etat doit l’emporter, et sur la photo voilà deux peuples qui à défaut de se comprendre peuvent désormais se reconnaître. L’opéra réserve, bien heureusement pour maintenir notre attention, une place de choix aux «Premières Dames», avec de remarquables numéros d’acrobaties vocales offerts par les sopranos June Anderson (Pat Nixon) et Sumi Jo (Jiang Qing).
Sur le livret d’Alice Goodman, la musique de John Adams n’est pas sans rappeler celle de Bernard Herrmann, compositeur fétiche d’Alfred Hitchcock. Elle laisse s’exprimer distinctement toutes les familles d’instruments, de la romance des cordes aux coups de tonnerre des percussions.
Il n’empêche, la mise en scène, en dépit d’une palette de couleurs éblouissante, notamment grâce aux costumes, a bien du mal à sortir du piège de l’immobilisme. Hors la représentation d’une pièce de théâtre en l’honneur des invités occidentaux, la visite officielle d’un chef d’Etat laisse certes peu de place à la fantaisie. La mise en scène statique se double qui plus est au troisième et dernier acte d’une fuite vers les pensées individuelles des personnages, réflexion sans doute sur les pièges du pouvoir qui fatalement épuise et rend fou.
Le traitement «politique» de l’opéra reste complexe, entre incompréhension mutuelle et reconnaissance des erreurs de chaque camp. Ce soir de première tout de même Place du Châtelet, voir dans cette splendide salle un «grand patron du CAC 40» recevoir des leçons de capitalisme et de communisme et se voir prédire de la bouche de Mao Zedong qu’un jour les Chinois investiront à Wall Street, c’était un pur délice. Car la Chine s’est depuis lors éveillée.
Une promesse de bravitude sur le site du Théâtre du Châtelet.
On veut un nom ! A tout le moins un indice…