Dix-sept ans déjà que Christophe Miossec nous a payé sa première tournée. Le Finistérien trentenaire dégainait alors son premier album, «Boire». Un album de comptoir, celui auquel on s’accroche quand la belle est partie, quand à deux pas du Pont de Recouvrance, «les cœurs sont en faïence, c’est foutu, c’est trop tard». Depuis, Miossec s’est offert un groupe de rock qui fait du bruit pour traîner sur la route ses nombreux albums.
Je me souviens je me rappelle d’une prestation chaotique au Café de la Danse, dédain ou humour de troisième degré à l’encontre du public de la capitale, forcément imperméable à la poésie du bout du monde. Je ne savais donc que parier avant le concert du Casino de Paris la semaine dernière. Patatras, effectivement après quelques secondes seulement du premier morceau, «c’était mieux avant … nom de Dieu, tout fout le camp». Prémonitoire.
Pourquoi donc tout ce barouf, tout ce «reuz» (pour toi, lecteur bretonnant) sur scène. Pauvre poète te voilà noyé sous les décibels alentour. Pour l’audience sans doute, celle des tournées et des rayonnages des disquaires. Byam, vieux crabe, tais-toi donc, dodeline de la tête, tape des mains et fléchis les genoux. Je fais le grincheux mais en réalité j’aime et je châtie bien. C’était mieux avant, certes. Mais c’était tellement bien avant que Miossec reste indispensable.
Pensez donc, depuis si longtemps que ce désespéré fait tomber le crachin et le chagrin partout où il passe.
Car, sur scène, reste la rage. Ce n’est pas un chien mouillé qui est touché, c’est un ours, un ours qui éructe. Miossec bande encore et la voix rauque, le corps frêle et boiteux tiennent la distance. «Ne me secoue surtout pas, car je suis plein de larmes» implore-t-il, tout en éclaboussant le public avec ses peines de cœur, ses peines de corps. Vaillamment, Miossec en Capitaine Crochet livre avec son équipage de pirates un concert teigneux, comme un menhir pas encore taillé.
Dans le temps additionnel, tel un arrière-droit assez brutal qui inscrirait le but de la victoire au Stade Francis le Blé, Miossec me refile la chair de poule avec «Brest». Le chanteur fait mine de ne pas entendre les sifflets à l’entame de ce morceau rendu populaire par une chanteuse elle aussi brestoise (nous sommes donc trois). Pauvre public. Imperméable, donc, en effet. «Est-ce que désormais tu me détestes / d’avoir pu un jour quitter Brest / la rade, le port, ce qu’il en reste / le vent dans l’Avenue Jean Jaurès». Toute une ville restituée le temps de quelques notes.
Pour ceux qui veulent tailler la route avec Christophe Miossec, un petit tour de France.
je l’ai vu à Grenoble il y a deux semaines: oui, c’était tellement bien avant..