«Through somnambular laws» est un joli titre, de bon augure pour une exposition d’art contemporain. Les deux artistes à qui le site du Plateau dans le 19e arrondissement a prêté ses généreux mètres carrés, se sont inspirés d’un ouvrage, «Le manifeste anthropophage», écrit par un certain Oswald de Andrade et qui disait à propos du peuple brésilien : «nous vivons selon un droit somnambule. Nous avons fait le Christ à Bahia».
Spécialiste des expositions difficiles nécessitant des commandos de médiatrices dont la mission est de faire comprendre ce qu’il y a à comprendre, Le Plateau ou Fonds Régional d’Art Contemporain Ile de France, a encore frappé fort. Depuis le 22 mars, les visiteurs ont jusqu’au 13 mai pour se pénétrer des messages délivrés par les deux artistes ayant pris possession des lieux : Elise Florent et Marcel Türkowsky, berlinois d’adoption.
«Through somnambular laws» est un titre finement trouvé donc parce que nous explique-t-on, «le droit somnambule c’est celui qui permet toutes sortes de fabulations». Il y avait ce samedi 24 mars, dès l’ouverture, une mère accompagnée de ses deux adolescents. Arrivé en fin de parcours, le trio a vu arriver une médiatrice qui leur a expliqué ce qu’ils avaient vu et la maman de l’interroger sur le nombre potentiel de personnes concernées par le propos général. Questionnement légitime.
Mais c’est la marque de fabrique du lieu. Servir du cérébral sur un…plateau et après tout tant mieux car comprendre c’est aussi s’amuser. L’exposition se divise en plusieurs sections et la première, intitulée «1 st TIME Chance» vous introduit directement et effectivement dans un monde tout à fait compatible avec l’état de somnambule.
Il y a cette vidéo effectuant une orbite toutes les 6 minutes et qui présente une mosaïque soviétique sur la conquête spatiale. L’une des questions attachée est «le présent est-il l’accéléré passé au ralenti» ? Déconcertant non ? Chercher à comprendre permet d’éviter de tourner les talons en s’interrogeant sur la finalité des impôts. Encore une fois Le Plateau a frappé un peu fort quant au niveau de la difficulté mais le plus amusant est de s’accrocher.
D’autant que cette première pièce comprend une réussite esthétique indéniable. «How to reach the front side» ou comment découvrir le côté face, est une sorte de vidéo installée comme un hologramme et qui présente un personnage dansant. Une réussite spatiale telle que le message n’est pas indispensable. Découvrir un extrait vidéo évocateur de l’ambiance. Pièce 1. 15 secondes.
Toutes les pièces sont obscures ou tamisées sauf une. La déambulation de l’une à l’autre transforme le visiteur en somnambule naturellement dérouté par un univers si éloigné du monde éveillé. Il n’y a qu’en fin de trajet que l’on retrouve la lumière du jour avec, si c’est la bonne heure, une prestation d’individus se déplaçant sur une surface très réduite, fléchée et conçue pour que personne ne se rencontre. L’idée étant justement d’éviter la collision. Les enfants Yézides nous raconte-t-on sont incapables de sortir d’un cercle de craie tracé sur le sol sauf si quelqu’un d’extérieur en efface une partie pour leur ménager une sortie. «Avez-vous l’impression d’être dans un cercle» est la question finale. Pas bête, non ?
Le Plateau
Place Hannah Arendt
Entrée libre, métro Buttes-Chaumont ou Jourdain
Du mercredi au vendredi de 14 heures à 19 heures, les samedis & dimanches de 12 heures à 20 heures.
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