L’hypothèse de se voir coller une étiquette ou un qualificatif inadéquats le froisse à l’avance. En 2011, un article (aimable) dans Libération avait utilisé à son propos des adjectifs «acide» «rococo» et «pop». Il réfute le dernier terme en l’estimant «à côté» de sa «sensibilité artistique».
Mohamed Kahouadji est par ailleurs un jeune chirurgien angevin (non pop là aussi) spécialisé dans le maxillo-facial. Algérois d’origine il voulait les beaux-arts. Ses parents, lit-on, l’ont poussé vers la médecine. Mais la boîte de pinceaux, dont il use depuis ses 11 ans, n’est jamais loin de son scalpel. Et Mohamed Kahouadji aime peindre et veut naturellement se faire connaître et reconnaître dans un monde où les artistes contemporains sont légions. Au point qu’il a poliment écrit aux Soirées de Paris pour signaler son existence «d’artiste émergent».
En pièce jointe de son mail il y avait un hibou généreusement coloré baptisé «I see you baby», un singe intitulé «Acceptable in the 70’s» et un drôle de zèbre à lunettes baptisé «Jungle boogie». Ce qui frappe d’abord, c’est le regard de ces animaux bien sûr (est-le peintre qui vous regarde d’ailleurs ?) et le traité du fond qui n’est pas…sous-traité justement, mais élaboré comme un élément (fort) à par entière avec une once ou deux de psychédélisme.
C’est appréciable de pouvoir passer ainsi du sujet de premier plan au fond comme s’il y avait une deuxième toile. Ainsi ce décor qui évoque un jeu vidéo à l’arrière de deux éléphants qui s’étreignent ou encore l’écriture répétitive (swap it, zoom it, write it, snap it…) qui garnit l’entièreté d’un cadre comportant un autre éléphant. Le premier plan de « Laisses sans défense » (ci-dessus) est un amalgame animalier halluciné (un éléphant en étreint un autre aux limites de la cyanose pour avoir avalé un genre d’ovni rose) et le second plan apaise si l’on peut dire car il est «planant» au sens ou ce dernier mot était utilisé dans les stupéfiantes années soixante dix.
Venu du graffiti, Mohamed Kahouadji a aussi bénéficié des conseils de son chef de service au CHU d’Angers, lequel pratique de son côté la peinture et la sculpture, apprend-on sur la revue de presse du site web de l’artiste non-pop. La «transition de la bombe au pinceau» s’est faite entre confrères du corps médical sans doute en marge d’une restructuration faciale au scalpel.
Avec lui la réalité se retrouve bigarrée et transfigurée. Cet homme à tête de singe pointant une arme vers lui-même dans un geste a priori suicidaire à côté d’une banane dont s’extirpe un élément rouge indéterminé relève d’un style ou la loufoquerie le dispute à l’irréalisme. Et comme l’art de la rue, ça frappe.
tres bon article!
sur un artiste qui va faire du bruit!
J’en veux un!