Afin de marquer le centenaire des Soirées de Paris, revue fondée en 1912 par Guillaume Apollinaire, André Salmon, André Billy, André Tudesq et René Dalize, un banquet a eu lieu au restaurant L’Hédoniste, le samedi 11 février à 13 heures. Nous publions aujourd’hui le discours prononcé à cette occasion par le responsable de la revue.
« En cherchant le sommeil hier soir, je me suis livré au casse-tête bien connu du plan de table et de la répartition de mes proches car il y aurait a priori une vérité à s’entourer au plus près de ses proches et une contradiction à les éloigner. Mais non. J’ai eu à cette occasion une petite illumination d’ordre philosophique, d’une philosophie modeste, à usage domestique, d’où il résultait que le proche est un équidistant. Où qu’il soit il est proche. »
Il paraît que la réunion fondatrice des Soirées de Paris a eu lieu boulevard Saint-Germain au Café de Flore sur la petite table immédiatement à gauche en entrant, entre le bar et l’escalier.
Je connais cette petite table. Il y au moins une dizaine d’années autour de la même petite table, Alain Ayache, un patron de presse aujourd’hui disparu, m’avait dit entre deux bouffées d’un cigare qu’il tétait avec gourmandise, «Philippe, je veux bien reprendre France Soir mais uniquement avec vous». Ca m’avait fait plaisir sans que je fusse vraiment dupe. En effet quelques années plus tard je cherchais à le joindre au téléphone, il ne voyait plus vraiment qui j’étais. Cette anecdote est juste là pour préciser que c’est au Flore que se nouent, se dénouent ou se rêvent, nombre d’affaires de presse.
En trois mots je rappelle quand même que l’origine des Soirées de Paris est liée au vol en 1911 de la Joconde par un ouvrier qui s’appelait Vincenzo Perrugia. Comme il fallait trouver un coupable, au moins un complice possible, pour des raisons dont je vous fais l’économie, un juge parisien a choisi de désigner et d’emprisonner Guillaume Apollinaire qui était bien entendu innocent. Pour le réconforter d’un séjour d’une semaine à la Santé, ses amis, le journaliste André Billy en tête, ont décidé de lui proposer de co-fonder une revue. Elle s’est appelée «Les Soirées de Paris» par référence aux Soirées de Médan, de Neuilly et de Saint-Pétersbourg. L’affaire s’est donc nouée au FLORE.
Pourtant, s’il fallait trouvait un lieu emblématique au nouveau départ des Soirées de Paris en octobre 2010, ce serait sur l’île de Sein, quai des Paimpolais, et, comme le dit un certain Byam, chroniqueur de théâtre, le quai des Paimpolais c’est «the place to be».
Bien sûr l’acte fondamental c’est-à-dire le rachat de la marque «Les Soirées de Paris» avait déjà été effectué trois semaines plus tôt et l’on pourrait donc considérer l’Institut national de la propriété industrielle qui est situé près de la place de Clichy comme un point de départ, mais non.
Car fin juillet 2010, je suis parti à l’improviste du Morbihan où je passais mes vacances, pour rejoindre sur l’île de Sein, celui qui signe Byam dans Les Soirées de Paris. C’est un bel endroit que cette île. On en fait le tour à pied en une heure ou un peu plus et, dans ce laps de temps, on peut croiser une tempête, du brouillard, une pluie fine et du beau temps.
Byam ne m’a épargné aucun détail de son île. Merci à lui. Et à la fin du parcours, sur le port, quai des Paimpolais, en attendant le bateau qui devait me ramener sur le continent, j’ai su que j’allais vraiment pouvoir me lancer dans la réédition des Soirées parce que Byam était partant.
Alors qu’Apollinaire et ses amis allaient en 1912 déposer par eux-mêmes les paquets de la revue dans les galeries d’art, le web nous permet d’être partout à la fois. Grâce à Google analytics, je sais que nous avons par exemple 7 lecteurs dans l’Etat de New York, 3 en Pennsylvanie, 2 en Equateur, 5 en Indonésie, ou encore 8 au Japon. Aujourd’hui 60% des lecteurs viennent de France et en près de deux ans nous sommes lus dans 957 villes de l’hexagone.
Parmi les collaborateurs des Soirées de Paris, journalistes qui y contribuent en marge de leur activité principale, et que j’ai le grand plaisir d’accueillir aujourd’hui, je tiens à vous présenter Alexandre Garabedian qui est dans la vie rédacteur en chef d’un quotidien lui aussi centenaire, L’Agefi. Il est notamment l’auteur d’une truculente chronique dans les Soirées sur le restaurant l’Hédoniste où nous nous trouvons aujourd’hui.
Bruno Sillard, toujours de L’Agefi, dont la plume littéraire nous réjouit de quelques bonnes nouvelles depuis qu’il nous a rejoint et ce, tout à fait récemment.
Et puis il y a le monsieur qui signe Byam, celui qui prend ses quartiers d’été quai des Paimpolais, point géographique de départ des Soirées je le rappelle, et qui donne au théâtre, mais pas seulement, toute la place qui lui est due dans notre web-revue.
Je suis très content de voir qu’Elisabeth Blanchet est là. Elle est venue de Londres spécialement pour nous et, grâce à elle, nous avons une correspondante Outre-Manche ce qui n’est pas rien. Elisabeth photographie et écrit dans les deux langues. Une de ses amies dit d’elle qu’il suffit de marcher dans ses pas pour vivre des aventures.
De même que Guillemette de Fos qui a fait le périple depuis Louveciennes jusqu’à la rue Léopold Bellan et qui nous gratifie de ses chroniques sur la mode, la littérature, le cinéma, la peinture et sans compter ses livraisons de recettes de cuisine que je vous conseille sans hésiter, d’essayer. Apollinaire était un gourmet et c’est la raison pour laquelle nous traitons, dans les Soirées, des affaires du palais.
Jacques Bonnet, mon père, qui a enfin quitté la Cour des comptes pour le journalisme. J’aurais pu le rejoindre à la cour mais il a préféré me rejoindre aux Soirées où je l’ai nommé au tour extérieur. L’ancien ministre et président de la cour des comptes Pierre Joxe, disait qu’on reconnaissait facilement un rapport signé de la main de mon père, tellement il était synthétique. Aux Soirées c’est pareil. Mais il faudrait qu’il travaille son allonge.
Marie Mawad qui fait partie des récentes recrues a commencé d’intéresser nos lecteurs à l’Opéra avec une compétence que je lui envie. Je reste encore sous le choc de son compte rendu versifié et gai de Cosi von tutte. «Ainsi font-elles toutes» quel joli titre, même traduit.
Marie-Charlotte Mallard qui s’intéresse aussi à l’opéra et qui vient de rejoindre nos rangs. Elle est diplômée de littérature française et médaille d’or de hautbois alors que moi j’en suis resté à une flèche de bronze obtenue au ski quand j’avais 10 ans. Bienvenue Marie-Charlotte.
En ce qui concerne Martine Esquirou, je marque un petit temps d’arrêt affectueux vu que nous avons travaillé en binôme à Libération dans un «open space» qui comptait de nombreux snipers et nous étions solidaires. J’espère que ses nouvelles fonctions à la Générale de Santé lui permettront de dégager un peu de temps pour les Soirées. Sa plume est toujours la bienvenue.
Quant à Nicolas Boccaccio c’est un cas à part puisqu’il n’écrit pas dans les Soirées. D’abord c’est mon neveu. Ensuite c’est un spécialiste des stratégies internet avec Bring !, la société qu’il a montée. Et sans lui, les Soirées seraient toujours en gestation. Un grand merci à lui.
Pierre Chiquelin. Pour moi c’est une découverte. Je le croyais seulement photographe professionnel, parmi les plus talentueux, mais avec Les Soirées, on a pu découvrir ses talents de journaliste avec une écriture dont l’intensité et la profondeur rappellent l’impression dégagée par ses photos.
Et je n’oublie pas Sandrine Chicaud qui nous a notamment dressé une vibrante monographie de Stanley Kubrick (Les Soirées de Paris ont publié parmi les premières critiques cinématographiques). Elle nous a surtout fait partager sa passion de la danse. Merci Sandrine.
Violaine Blaise, dont la présence est trop rare dans nos pages (c’est la petite incise culpabilisatrice vous l’avez remarqué) et qui a cette particularité rare d’être restauratrice du patrimoine après 10 longues années d’études. L’un de ses faits de guerre, à mon avis du moins, est la restauration par ses mains du visage d’une petite fille égyptienne momifiée il y a 2000 ans. Elle m’a dit qu’ensuite elle avait fait de drôles de rêves cela ne m’étonne pas.
Il m’est particulièrement agréable de conclure par Bruno Chemla, ami de toujours et qui a consenti pour moi à mettre en musique l’air que fredonnait Apollinaire lorsqu’il composait ses poèmes et dont nous avons publié l’enregistrement sur Les Soirées de Paris. De la part de ce grand pianiste de jazz, l’effort était mince mais la joie qu’il m’a procurée était substantielle.
Quelques uns des contributeurs n’ont pas vu venir je le regrette mais je les mentionne, Alexandre Boksenbaum, Juliette Delaporte, Laurence Marchal, Paola Andreotti, Louise Lalande, Antoine Landrot, Eric Patureau et Lola Quéré.
Pour terminer j’avoue avoir longtemps éprouvé de l’envie pour les collectionneurs qui possède des reliques d’Apollinaire. Une dédicace, une lettre à Lou, un dessin… Et lorsque j’entends parler d’une mise aux enchères comme bientôt à l’hôtel Dassault, j’ai le chéquier qui palpite.
Mais savez-vous quoi, parfois je me dis qu’avec Les Soirées de Paris, c’est ce que j’ai de mieux, le meilleur héritage. Cette revue n’est pas une relique, elle est vivante de nouveau, c’est la continuité d’un projet avec des participants qui sont presque tous là aujourd’hui. Merci à eux, merci de votre présence à tous et longue vie aux Soirées de Paris.
Exceptionnellement « the place to be aujourd’hui » c’est l’Hédoniste. Bon appétit avec ce banquet moderne qui honore ceux d’autrefois. »
Les autres convives et amis ayant participé au banquet des 100 ans sont, dans le désordre :
Laurence Campa. Isabel Violante. Jean-Christophe Féraud. Marc Rassat. Gilles Bridier. Capucine Cousin. Jean-Michel Cedro. Jacques Witt. Peggy Tardrew. Thierry del Jésus. Atossa Minoui. Gérard Gouttiere Christian Jacqui. Marie Bonnet. Maryse Girerd. Amale Karam.
cher Philippe
bon anniversaire!
à bientot
S.
Merci cher lecteur et ami. PHB
MERCI+++
Oui bon anniversaire !!
Ambroise.
Merci très cher Philippe pour ce beau moment de célébration et d’amitié. Amitiés au présent et dans l’avenir, car l’on compte bien que « Les Soirées » donnent d’autres banquets et festivités. Amitié au passé pour Guillaume et les siens, qui, pour être lointains, n’en sont pas moins pour nous, désormais, à équidistance.
Enfin, accepte donc un petit coup de chapeau professionnel. Il est toujours sympathique de voir un ami journaliste donner libre cours à une passion, il est plus rare, et beaucoup plus exaltant, de constater que, conviction, constance et qualité aidant, cette expression se change en véritable journal. Les Soirées de Paris est en train de re-devenir une vraie revue. Belle vie à la centenaire !
Pour parler sans ambiguïté, ce dîner au restaurant L’Hédoniste, avec les effluves embaumés de la mer, avec les vins de très bons crus, sans cuisseau de veau ni cuissot de chevreuil, peut-être, mais avec des magrets de canard prodigués par l’amphitryon, fut un vrai régal. Un vrai sans-faute qui aurait contenté Mérimée, qui aimait les banquets, s’il avait été invité.
(Avec moins de talent que Prosper, Bruno… quoique je découvre, en ce nouveau siècle, sot que je suis, que cuissot a pris l’eau, sans doute est-ce que l’élevage des chevreuils n’a plus rien de sauvage !)
Mon cher Philippe,
Apollinaire aurait-il imaginé un successeur aussi tenace , fidèle et audacieux , capable d’engloutir tout son temps libre dans la renaissance d’une revue centenaire, en rameutant ses amis, ses connaissances, en touillant tous les jours alègrement avec une longue cuillère dans le bouillon culturel d’un Paris qui n’a plus rien à voir ? Ton ethousiasmes est conatgieux puisque tu nous a entrainés tous dans l’aventure. Qu’elle soit longue et aussi chaleureuse et conviviale que ce repas de rois à l’Hédoniste! Un gr
Bravo à toi Philippe, puisque tu ne pouvais dans ton discours -sauf à malmener la modestie que chacun te reconnaît- te rendre hommage à toi-même et longue vie aux Soirées de Paris.
L’ennui avec les centenaires, c’est qu’ils n’interviennent que tous les cent ans! Ceux qui célèbreront le bi-centenaire n’auront donc probablement pas le plaisir de t’avoir à leur côté et ils ne sauront sans doute pas tout ce que les Soirées de Paris doivent à la passion et à l’énergie que tu déploies au service de cette résurrection.
Et comme de célébration parfaite, il n’existe pas, une coquille s’est glissée dans la retranscription de ton discours -que peut-être tu as personnellement supervisée, voire réalisée. Pour une fois, je te laisse le plaisir de la « trouver »…
Avec mon équidistante amitié.
Un grand merci Philippe pour cette célébration joyeuse et instructive puisqu’elle nous a éclairés sur la genèse bretonne de la « 2ème vie » des Soirées de Paris.
Guillaume Apollinaire serait certainement enchanté de savoir sa (trop éphémère) revue à l’origine de ce drôle d’e-canard aux plumes bariolées, conçu dans l’amitié et animé dans la confraternité.
Merci pour ces témoignages d’amitié. Cher Pascal j’ai retrouvé la coquille, merci. Par ailleurs on va faire comme dans Sempé: « un pull a été retrouvé le propriétaire est prié de se faire connaître ». PHB
Le propriétaire du « gilet » et non du « pull » vient de manifester.
Formidable banquet ! Merci Philippe, en complément à l’équidistance, c’est une belle théorie des ensembles, avec ses unions et ses intersections, que tu as su mettre en place. Merci pour ce merveilleux banquet et longue vie aux Soirées.
Elisabeth
Ah quel discours..ravie de l’avoir pour le relire! merci.
Mon petit grain de Sel; là en ce monde ancien :
ZONE ( fragment sousréalisé )
J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil: elle ,été, le clairon
Les directs heurts, les sous vrillés et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin ,oh ça me dit, soir, quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie, vers mi dit
Les inscriptions des enseignes et des mûres ouailles
Les plaques les avis à la façon des pairs roquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Si tu es à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et la venue des ternes
http://lit-et-raire.blogspot.com/2012/01/subrealismo.html