Une styliste qui fit l’an dernier défiler ses mannequins sur l’admirable et lancinant solo trompette de Miles Davis (a silent way) avait d’emblée tout pour m’enchanter. Sa collection femmes-hommes printemps-été 2012 ne m’a pas déçue. Elle associe trouvailles et épure à l’extrême, un style qui lui vaut le surnom de « mère du minimalisme« .
Manteaux droits à peine épaulés, robes fluides qu’il fait bon porter quelle que soit la corpulence, pull-over à col roulant sans couture tellement plus distingué qu’un col roulé… Les modèles, pour tous âges et pour tous physiques, sont d’une apparente simplicité mais tous ont leurs astuces de coupe, leur cachet discret : costumes, vestes et robes ont trois emmanchures (ces fameuses three sleeves hole, la signature – brevetée ! – de la styliste, les robes ont des encolures coulissées ou sont coupées dans le biais, les poches s’échancrent en fentes de couleur contrastée, les ceintures se déclinent en liens lâches ou s’agencent au niveau des bras…
Adeline André aime travailler les matières traditionnelles : lin, laine vierge et crêpe de laine, faille, raphia et popeline de coton… A noter, cette sublime robe en jersey de soie « décapotable » qu’une aimable mannequin blonde vint décapoter sous nos yeux nous faisant la grâce de son sourire. Impressionnante aussi cette « fanto-romantique » apparition de longue femme brune en long manteau d’organza de soie imperceptiblement ceinturé…
La styliste décline sa collection dans des tons chics et monochromes – couleur de nuit/couleur du jour. Seule, une robe en crêpe georgette de soie brique vient à point réchauffer les chaux, craie, silice et autre plâtre des modèles présentés dans les locaux d’un célèbre architecte-urbaniste du XIème arrondissement de Paris.
Certains vêtements ont une touche Ingres, petit clin d’œil de la couturière à son passé : cours de dessin aux côtés de Salvador Dali, collaboration avec le duo de peintres-photographes Pierre et Gilles, recours aux tableaux happening du peintre-décorateur Gérard Garouste en toile de fond de son premier défilé…
Le surréalisme du peintre catalan, les délires du duo de photographes et les phantasmes du décorateur n’auront donc pas entamé le goût de la pureté des lignes et de l’équilibre des formes de la styliste née en 1949 à Bangui, devenue assistante de Marc Bohan (Dior) avant de fonder en 1981 sa propre maison de haute couture et prêt à porter à l’enseigne éponyme.
Adeline André préfère dit-on les rendez-vous intimistes à l’effervescence des défilés. Dépouillée à l’extrême fut donc la mise en scène de son show. Ses mannequins ont évolué entre les maquettes d’architecte et les murs coulissants d’une démarche déliée (chaussures Nude à talons minimalistes), d’une lenteur calculée (tant mieux pour les photographes amateurs !), s’enveloppant dans les notes douces et les chuchotements d’une ambiance très feng shui.