Bouquet d’épines pour la dame aux camélias

L’agitation règne depuis quelques jours au cœur du vénérable cimetière Montmartre. Rien à voir pourtant avec quelque débordement d’admirateurs japonais de Dalida ou de pieux inconditionnels de François Truffaut. Non, les paisibles agents du lieu sont débordés par un phénomène inédit. Pensez-donc, tout de même, … Alexandre Dumas (Junior) s’est littéralement retourné dans sa tombe.

Il faut dire qu’après plus d’un siècle d’un profond sommeil éternel, le choc fut violent. Un véritable tsunami qui prend sa source loin de la butte, au Théâtre de l’Odéon.

Epicentre du séisme, jusqu’au 4 février : La Dame aux Camélias. A la barre de ce navire en perdition, Frank Castorf, qui dirige sur scène notamment Jeanne Balibar.

Amateurs de classique alléchés par le titre du spectacle, passez votre chemin s’il est encore temps. Passionnés d’urine, de vomis de pâtes, à vous qui moquez le bourgeois réactionnaire car il ne peut comprendre l’intérêt de voir sur scène des comédiens vagabonds qui se plaisent à «se pisser au cul», attardez-vous. Je ne peux davantage masquer que ce soir-là à l’Odéon, ma conscience professionnelle m’a fait défaut, elle aussi a jeté l’éponge, me contraignant à quitter les lieux à la pause. Diable, peut-être ai-je manqué en seconde mi-temps le plus merveilleux des spectacles. Las, cette Dame aux Camélias n’avait à ce point rien à me dire avant l’entracte que cette option me paraît illusoire.



La Dame aux Camélias à L'Odéon. Photo: Alain Fonteray.

 

Il suffisait pourtant sans doute de regarder l’affiche d’un peu plus près. Sous le titre du spectacle figure «à partir du roman d’Alexandre Dumas fils, de La Mission de Heiner Müller et de Histoire de l’œil de Georges Bataille». Trop tard, le piège s’est refermé. Les courtisanes sont des putes, des poules même qui vocifèrent dans un poulailler. Soit donc un assemblage de trois textes qui aboutit au vide. Une juxtaposition de saynètes inutiles. Pour en masquer la vacuité, le responsable du gâchis reste à peu près en panne hors la nudité des corps et les cris des amants. Et un plateau de scène rond et tournant, «comme un radeau flottant sur la pornographie du monde» nous apprend le livret.

Ah la belle trouvaille du plateau tournant, bien en vogue en ce moment, qui présente ici le côté pile chic et le côté face taudis d’une vie déprimante. On reste en marge. Ce n’est pas même mauvais, c’est insignifiant. On est pas même choqués, on s’ennuie. Le livret nous apprend que Frank Castorf a «décapé» la Dame aux Camélias. Avec une telle force qu’en termes de décapage il ne reste que les os.

Le (non) metteur en scène aurait ainsi «déconstruit le romantisme du mélodrame». Eh bien le chantier est en bonne voie, dommage qu’il se soit arrêté au gros-œuvre.

On pourra certes grâce à cette mauvaise soirée se rassurer sur l’état de santé financier du théâtre hexagonal, s’il a encore les moyens de donner naissance à un tel monstre. Mais ce soulagement ne durera qu’un instant, car c’est bien le privilège des ilôts de prospérité que sont les théâtres nationaux que de pouvoir gravir cette montagne. Vivement donc la suite du programme à l’Odéon, avec notamment les dernières salves tirées par Olivier Py en tant que directeur du théâtre national, «Promothée enchaîné» en février et «Die Sonne» en mars.


Sur le site du théâtre de l’odéon

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Une réponse à Bouquet d’épines pour la dame aux camélias

  1. Bruno Philip dit :

    Merci du conseil

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