L’affiche emblématique de l’exposition sur «Le sport européen à l’épreuve du nazisme» organisée au mémorial de la Shoah à Paris, représente une athlète au disque. La photo a sans doute été prise à Tel-Aviv vers 1937 par Liselotte Grschebina. Cette photographe juive allemande a fui l’Allemagne nazie en 1934. Paradoxalement, l’esthétisme de ses photos est comparable aux photos sportives de l’Allemagne nazie et de l’Italie de Mussolini à des fins de propagande. Mais une photo sportive est rarement faite pour être vilaine.
Cette exposition est une mosaïque d’anecdotes souvent aussi tragiques et méprisables que stupides dans leur fondement. Ainsi cette lettre du 29 juin 1936 adressée à l’athlète juive allemande Gretel Bergmann par Hans von Tschammer und Osten, sorte de haut commissaire à l’éducation physique. Il lui fait part de sa décision de ne pas l’inclure dans l’équipe olympique allemande. Gretel Bergmann est d’abord expulsée de son club sportif en 1933. Elle part en Angleterre et devient, expatriée, championne de saut en hauteur. En 1935 l’Allemagne se ravise face aux mouvements internationaux de contestation et de boycott et l’invite à revenir au pays ce qu’elle fait. Et en juin 1936 elle reçoit la fameuse lettre du Reichssportführer qui l’écarte définitivement de la compétition sous les couleurs allemandes.
Le fond de cette exposition porte sur l’utilisation notamment par les régimes nazi, mussolinien et vichyste, de l’idéal sportif à objectif racial. La forme de cette promotion totalitaire, ce sont des photos indéniablement conçues pour être belles, littéralement irradiantes, tout comme les couleurs séduisantes des affiches de propagande vichystes avec, dans les deux cas, un message sous-jacent choquant et nauséabond.
C’est l’utilisation à des fins politiques détestables qui est le résultat d’un égarement car la photo emblématique de l’exposition le rappelle, une belle photo sportive reste une belle photo sportive. Et Hitler, qui se moquait notamment de «la croyance pathétique qui attribue au sport un rôle dans la réconciliation des peuples» avait compris, grâce aux arguments de Goebbels, que le sport était un efficace outil de propagande apte à porter en l’occurrence, l’idéal nazi.
L’exposition installée au cœur du Mémorial de la Shoah est une démonstration par l’exemple, l’anecdote, la photo, la correspondance, l’affiche, l’objet, de ce type de manipulation. Mais le sport a également été utilisé, par exemple dans le ghetto grec de Salonique ou dans différents types de camps, pour épuiser jusqu’à la torture des pensionnaires incarcérés, juifs ou non juifs.
La scénographie du «sport européen à l’épreuve du nazisme» n’est pas exceptionnelle. Mais c’est incroyable comment elle peut néanmoins capter l’attention du visiteur grâce à une petite photo noir et blanc d’époque, une missive d’un dignitaire nazi ou encore une affiche française de 1941 vantant «l’armée nouvelle» où l’on ne voit que des athlètes en short défilant le bras levé en un salut douteux. Edifiant.
« Le sport européen à l’épreuve du nazisme » au Mémorial de la Shoah.
17 rue Geoffroy-L’Asnier
75004 Paris Jusqu’au 18 mars 2012 (entrée gratuite)
Post-scriptum: Ci-dessous une affiche de l’exposition retrouvée déchirée fin décembre 2011 dans le métro parisien. Sans commentaire.